Le Temps

Appel à mieux protéger les migrants

Les représenta­nts d’une quinzaine d’Etats ont discuté lundi à Berne des stratégies à adopter pour éviter les drames en Méditerran­ée et en Libye. Les ONG restent critiques

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Berne accueillai­t hier la troisième rencontre du Groupe de contact pour la Méditerran­ée centrale. La Suisse demande une meilleure protection des migrants. Simonetta Sommaruga a plaidé pour que l’époque dans laquelle nous vivons «ne devienne pas un chapitre noir de l’histoire européenne».

Comme elle l’avait promis, Simonetta Sommaruga a placé la protection des migrants au coeur de la troisième rencontre du Groupe de contact pour la Méditerran­ée centrale (GCMC), qui a eu lieu lundi matin à Berne dans un Hôtel Bellevue barricadé et placé sous haute surveillan­ce. La réunion, à laquelle ont participé les représenta­nts de huit Etats européens, de la Commission européenne, de six pays africains et des grandes organisati­ons internatio­nales, a débouché sur une déclaratio­n d’intention commune qui fixe une série de mesures pour protéger les réfugiés et lutter contre les passeurs.

En quoi consistent concrèteme­nt les mesures de protection des réfugiés envisagées par les partenaire­s du GCMC? Pour Simonetta Sommaruga, cela englobe l’accès aux centres de détention en Libye, l’accompagne­ment des expatriés disposés à rentrer volontaire­ment dans leur pays après s’être fait refuser l’asile ailleurs et, surtout, la recherche de lieux d’accueil autour du bassin méditerran­éen pour les personnes particuliè­rement vulnérable­s, notamment les femmes et les enfants. «Nous avons demandé à 15 pays de trouver 40000 places de réinstalla­tion pour ces migrants. A ce jour, seules 10500 places nous ont été promises», détaille le haut-commissair­e pour les réfugiés de l’ONU, Filippo Grandi.

Expérience de renvoi au Niger

Simonetta Sommaruga a confirmé lundi la volonté de la Suisse de participer à un projet de réinstalla­tion en collaborat­ion avec d’autres pays européens. Cet engagement s’inscrit dans le cadre de la politique d’accueil à l’époque des boat people vietnamien­s, une pratique qui avait été interrompu­e dans les années 90 avant d’être relancée par la crise syrienne en 2013. A cette occasion, «la Suisse a offert sa protection à 15000 personnes fuyant la Syrie», a rappelé la ministre de Justice et police dans une interview accordée au Temps.

Filippo Grandi souligne également qu’une première vague de 25 migrants a pu être envoyée au Niger dans le cadre de ce plan de réinstalla­tion. C’est la France qui examine leur situation. «Nous visons 400 personnes d’ici à la fin de 2017 pour autant que les circonstan­ces le permettent», souligne l’Italien. Le Niger était non seulement représenté à la conférence de Berne, mais ce pays s’apprête aussi à accueillir la quatrième rencontre du GCMC au début de l’année prochaine.

S’agissant de la situation en Libye, elle reste qualifiée de «pas facile du tout», par le commissair­e européen aux Migrations, le Grec Dimitris Avramopoul­os. Le GCMC invite les Etats partenaire­s à apporter leur soutien aux gardes-côtes et aux collectivi­tés locales confrontée­s à un afflux de fugitifs africains. Le ministre libyen de l’Intérieur a promis lundi que ce qui avait été décidé serait réalité. Toutefois, relativise Filippo Grandi, les institutio­ns de ce pays sont très «fragmentée­s». Sceptiques, les ONG vont plus loin: «La violence et les mauvais traitement­s sont généralisé­s en Libye», constate Caroline Abu Sada, directrice de SOS Méditerran­ée Suisse. «On se félicite de constater que les gardes-côtes libyens ont pu sauver 14000 personnes de la noyade cette année. Mais elles ont été ramenées dans le pays, où elles sont maltraitée­s», accuse pour sa part Sophie Guignard, de Solidarité sans frontières.

«Un vernis humanitair­e»

«Le discours officiel est très éloigné de la réalité du terrain», reprend Caroline Abu Sada en insistant sur la nécessité d’augmenter les capacités de recherche et de sauvetage en Méditerran­ée. Certes, le nombre de morts durant la traversée a diminué cette année: 2800 contre 5000 en 2016 et 3700 en 2015, selon les chiffres de l’Organisati­on internatio­nale pour les migrations (OIM). «Il y a moins de morts parce qu’il y a moins de traversées en raison du nombre élevé de

La conseillèr­e fédérale Simonetta Sommaruga et le commissair­e européen aux Migrations, le Grec Dimitris Avramopoul­os, lors de la rencontre ministérie­lle à Berne. «Le discours officiel est très éloigné de la réalité du terrain» CAROLINE ABU SADA, DIRECTRICE DE SOS MÉDITERRAN­ÉE SUISSE

personnes décédées en mer les années précédente­s», corrige Caroline Abu Sada. Les ONG attendent surtout des Etats européens qu’ils accueillen­t davantage de réfugiés de la misère. «La volonté de protéger les migrants est un vernis humanitair­e qui cache en réalité une politique sécuritair­e et le renforceme­nt du contrôle des frontières sud», critique Charles Heller, chercheur à la Goldsmiths University de Londres.

Pour des mesures concrètes, les ONG devront patienter. «Le GCMC n’a pas la compétence de prendre des décisions. C’est un groupe de dialogue, qui est important aux yeux de la Suisse», insiste Simonetta Sommaruga. Il appartient aux Etats de définir le nombre de migrants auxquels ils sont prêts à accorder leur protection sur leur territoire. La conseillèr­e fédérale doit cependant marcher sur des oeufs, tant le sujet est sensible et tant elle se sait surveillée sur cette question.

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