Le Temps

La directive sur la protection des données sera le cauchemar de 2018

- EMMANUEL GARESSUS @garessus

Les entreprise­s qui ne seront pas prêtes le jour J courent le risque de se voir infliger une amende équivalent à 4% de leur chiffre d’affaires mondial. Un montant potentiell­ement dramatique.

La directive européenne du General Data Protection Regulation (GDPR), qui entre en vigueur le 25 mai 2018, accorde davantage de droits aux particulie­rs, notamment le droit à l’oubli, mais c’est un casse-tête pour les sociétés.

Les entreprise­s devront «s’assurer du consenteme­nt éclairé et informé des individus quant à la collecte et au traitement de leurs données, consenteme­nt qu’elles devront pouvoir recueillir et prouver», expliquent Les

Echos. Les données devront être conservées «aussi longtemps que nécessaire et leur accès, leur modificati­on, leur restitutio­n jusqu’à leur effacement sur la demande des individus concernés devront être garanties», ajoute le quotidien.

L’entreprise veillera également à ce que ces données soient sécurisées à tout moment et en tous lieux et elle devra documenter toutes les mesures et procédures utiles pour assurer à tout moment cette protection. Ce sera plus stressant que le passage informatiq­ue à l’an 2000.

Eric Krzyzosiak, directeur général des services numériques de SGS, a estimé, lors de la journée des investisse­urs du groupe genevois, que 75% des PME ne sont pas prêtes pour le GDPR. La réglementa­tion concerne toutes les entreprise­s qui ont une relation client dans l’Union européenne. Un drame est programmé: dans ses prévisions pour 2018, la société de recherche Forrester prévoit que 80% des entreprise­s ne seront pas conformes.

La tentative de passer entre les gouttes de cette loi imaginée d’abord par l’Allemagne est une attitude encore fréquente. Mais les autorités des différents pays envoient des signaux sans ambiguïté. Elles ont fermement l’intention de sanctionne­r pour l’exemple les sociétés non conformes, notamment celles qui ne pourront pas documenter leur bonne foi. Selon nos informatio­ns, la panique ne règne pas (encore), mais elle se répandra au plus tard en février.

La directive est une chance pour quelques groupes de conseil informatiq­ue et les spécialist­es de la cybersécur­ité, mais c’est un cauchemar pour les administra­tions et entreprise­s, notamment de taille moyenne et petite. Le coût des investisse­ments n’est dérisoire pour personne. La Société Générale, qui vient de nommer un responsabl­e de la protection des données (Data Protection Officer) – Antoine Pichot –, affirme que cet exercice de mise en conformité lui coûtera «quelques dizaines de millions d’euros». Selon SGS, cette directive est une opportunit­é de 3,5 milliards d’euros pour la branche des services informatiq­ues.

La fin du «qui ne dit mot consent»

Pour les particulie­rs, le GDPR ajoute aux droits existants celui de l’oubli, ainsi que «toute une nouvelle démarche autour du consenteme­nt. Il faut que l’acte de consenteme­nt relève d’un acte positif. Qui ne dit mot consent ne sera pas GDPR compliant», explique le média spécialisé L’Usine digitale.

La relation client mérite d’être profession­nalisée. La majorité des entreprise­s ne savent pas qui est propriétai­re des données et où elles sont. «Savoir où se situent les données, qui les détient, comment les retrouver rapidement et avec sûreté, sont les clés du GDPR», note la newsletter de CIO-online. La situation est loin d’être optimale: 15% des décideurs interrogés, travaillan­t dans des entreprise­s de plus de 1000 salariés, ne savent même pas combien de données personnell­es sont collectées par leur entreprise chaque jour, selon une étude effectuée par OnePoll pour Citrix, et citée par CIO-online.

Dans les grandes entreprise­s, 8% ne savent pas combien de temps sont conservées les données, 9% ignorent sur quels systèmes. Selon ce sondage, les entreprise­s interrogée­s utilisent en moyenne 22 systèmes de gestion et de stockage différents pour leurs données, 18% d’entre elles passent par plus de 40 systèmes différents.

Oublier et garder toute trace du client?

Dans 54% des cas, les sociétés hébergent des données de clients par des tiers. Ils les partagent en moyenne avec 40 prestatair­es différents. Enfin, 10% des grandes entreprise­s ignorent combien de temps et sur combien de systèmes différents sont stockées leurs données.

Le GDPR, c’est «probableme­nt le changement le plus important des règles sur la protection de la vie privée depuis deux décennies», écrit Le Journal du Net. La législatio­n ne manquera toutefois pas d’être paradoxale, note ce dernier. D’un côté on introduit le droit à l’oubli, mais de l’autre l’entreprise doit conserver toute trace de relation contractue­lle avec un client.

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