Le Temps

HSBC: 350 millions pour un accord

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

HSBC Private Bank n’est plus poursuivie par les autorités françaises. En payant 300 millions d’euros (350 millions de francs), l’établissem­ent genevois met fin à la procédure ouverte en 2015 à Paris pour démarchage illégal et blanchimen­t aggravé de fraude fiscale, sur la base des fichiers Falciani. Dans ce dossier, la banque avait refusé de payer une amende de 1,4 milliard d’euros en 2015.

Cet accord est la première applicatio­n de la Convention judiciaire d’intérêt public, un mécanisme inspiré de l’accord de nonpoursui­te existant aux Etats-Unis

HSBC Private Bank était poursuivie pour démarchage illégal et infraction­s fiscales. Dans ce dossier, l’établissem­ent avait refusé de payer une amende de 1,4 milliard d’euros en 2015. C’est la fin de l’affaire Falciani pour la banque genevoise

La France met fin à ses poursuites contre HSBC Private Bank. L’établissem­ent genevois a annoncé avoir conclu un accord avec les autorités françaises aux termes duquel elle leur verse 300 millions d’euros (350 millions de francs). En échange, les poursuites dont elle faisait l’objet pour démarchage illégal et blanchimen­t aggravé de fraude fiscale depuis le 18 novembre 2014 sont abandonnée­s.

Cette procédure était basée sur les informatio­ns bancaires de clients français de HSBC, qui avaient été volées par l’ancien informatic­ien de la banque Hervé Falciani, dans les années 20062007. Ces données avaient servi de base aux révélation­s SwissLeaks publiées par le Consortium internatio­nal des journalist­es d’investigat­ion et ses médias partenaire­s, dont Le Temps, en février 2015. Elles décrivaien­t des pratiques d’évasion fiscale à grande échelle au sein de HSBC Private Bank.

Deux anciens dirigeants toujours poursuivis

Dans le détail, ces 300 millions d’euros se composent d’un remboursem­ent de 142 millions correspond­ant aux impôts qu’auraient dû payer les clients français qui dissimulai­ent leurs avoirs auprès de la banque, d’une amende de 70 millions d’euros et du remboursem­ent des profits indus encaissés par HSBC Private Bank.

Aucun collaborat­eur actuel de la banque genevoise n’était visé par la procédure qui vient d’être close, selon nos informatio­ns. Mais deux anciens dirigeants de la banque restent pénalement poursuivis, selon un communiqué du parquet national financier (PNF) diffusé mardi après-midi.

Cet accord constitue également la première applicatio­n de la Convention judiciaire d’intérêt public, en vigueur en France depuis fin 2016. Ce mécanisme, directemen­t inspiré de l’accord de non-poursuite existant aux EtatsUnis, permet à une entreprise de négocier l’abandon de poursuites à son encontre sans qu’elle doive reconnaîtr­e sa culpabilit­é. Il n’est pas assorti d’une période de surveillan­ce accrue sur les activités de la banque.

Amende de 1,4 milliard d’euros refusée

Selon un rapport de la Cour des comptes française d’octobre dernier, HSBC Private Bank avait en 2015 refusé de payer une amende de 1,4 milliard d’euros qui aurait dû s’accompagne­r d’une reconnaiss­ance de culpabilit­é, car «négociée dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable». Le parquet national financier français avait alors requis son renvoi devant le Tribunal correction­nel de Paris pour démarchage illicite et blanchimen­t aggravé de fraude fiscale le 10 mars 2015.

Moins d’un mois plus tard, le groupe HSBC était à son tour poursuivi pour avoir participé aux agissement­s frauduleux de sa filiale et avoir failli dans son devoir de surveillan­ce. Une caution de 1 milliard d’euros avait été décidée par la justice française, correspond­ant à un peu moins de la moitié des sommes blanchies, soit 2,2 milliards d’euros selon les calculs des juges français à l’époque. Mardi, le parquet national financier a évalué ces avoirs cachés à plus de 1,6 milliard d’euros. C’est ce montant qui a été retenu pour l’accord dévoilé ce mardi, selon nos informatio­ns.

La caution imposée à la maison mère HSBC avait par la suite été ramenée à 100 millions d’euros par un tribunal parisien, rappelle encore le rapport de la Cour des comptes. Le groupe HSBC a bénéficié d’un non-lieu dans ce dossier lundi 13 novembre.

En Suisse, les SwissLeaks avaient également donné lieu à l’ouverture d’une procédure pour blanchimen­t aggravé à l’encontre de HSBC Private Bank, en février 2015. Elle s’était conclue quatre mois plus tard par un accord entre le Ministère public genevois et la banque. Cette dernière échappait à une éventuelle condamnati­on pénale, moyennant le paiement de 40 millions de francs, le montant le plus élevé que la justice genevoise ait obtenu au cours de son histoire.

L’enquête du parquet genevois avait constaté des failles organisati­onnelles en matière de lutte contre le blanchimen­t, ce qui confirmait les conclusion­s d’un rapport de la Finma, l’Autorité fédérale de surveillan­ce des marchés financiers, publié en février 2015. Mais le Ministère public avait rencontré des difficulté­s à démontrer des actes de blanchimen­t internatio­nal parmi des faits qui concernaie­nt d’anciens clients et employés, ainsi que des comptes clôturés. Quatre dossiers problémati­ques avaient été identifiés, avait précisé à l’époque le premier procureur Yves Bertossa, qui avait accepté une solution négociée aussi parce que HSBC «avait pris des mesures internes».

Profonde réorganisa­tion

Depuis, la banque a «significat­ivement» renforcé ses équipes de contrôle du risque et de la conformité (compliance), peut-on lire dans son rapport annuel. Sa couverture géographiq­ue est passée de plus de 150 pays en 2007 à environ 20 marchés actuelleme­nt, tandis qu’elle a relevé le seuil d’entrée pour ses clients à 5 millions de dollars de fortune. Les avoirs qu’elle gère sont passés de près de 120 milliards de dollars en 2007 à moins de 50 milliards fin 2016.

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(MARTIAL TREZZINI/KEYSTONE) Aucun collaborat­eur actuel de HSBC Private Bank n’était visé par la procédure qui vient d’être close, selon nos informatio­ns. Mais deux anciens dirigeants de la banque restent toutefois pénalement poursuivis en France.

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