Le Temps

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- CATHERINE FRAMMERY @cframmery

L’Académie française a dit toute son hostilité envers l’écriture inclusive, mais sur Internet le débat progresse. Ou régresse, selon les points de vue. En tout cas, le sujet passionne

Tapez tout simplement «Ecriture inclusive» sur Twitter, sans hashtag, et contemplez les chiffres qui grimpent. L’expression a été utilisée plus de 2000 fois en moins de vingt-quatre heures entre lundi et mardi, selon l’agrégateur Tweet Binder. Mais quelle passion! C’est la publicatio­n en septembre d’un manuel scolaire rédigé selon les règles de l’écriture inclusive qui a relancé le débat sur le sexisme de la langue française. Depuis, pas un jour ne passe sans apporter son lot de prises de position pour ou contre, faisant le miel des futurs historiens de la langue. Jalons marquants: fin octobre, l’appel solennel de l’Académie française à sauver la langue française, mise en «péril mortel» par l’écriture inclusive.

Autre événement: la passe d’armes entre deux géants du livre qui se partagent des centaines de milliers d’abonnées sur Twitter, Bernard Pivot et Marc Levy. Le premier dénonce l’écriture inclusive, tandis que l’autre la défend.

Réponse, réplique, nouvelle réponse et nouvelle réplique: des centaines de commentair­es ont accompagné ce «twittclash», comme on appelle ce phénomène. Le dernier épisode en date est aussi frais: contre l’avis de leur ministre, 314 enseignant­s se sont engagés à ne plus enseigner «que le masculin l’emporte sur le féminin», dans un manifeste diffusé par le site Slate.fr (parmi les signataire­s, quatre professeur­es du Centre en études genre de l’Université

Détail d’une peinture d’Albert Anker (1896), représenta­nt une classe dans une école de village en Suisse en 1848.

de Lausanne, mais pas sa responsabl­e). Ce manifeste a vite été suivi, comme c’est devenu l’habitude, par une nouvelle pétition sur la plateforme Change.org. Les protestata­ires s’engagent à privilégie­r la règle de l’accord de proximité (exemple: les Etats-Unis et la Suisse est libérale). En cinq jours, le texte a déjà été signé 24 000 fois.

Si le sujet mobilise, peut-on dire pour autant qu’il avance? C’est bien moins clair. Mais en combinant deux obsessions françaises, la langue et l’école, le manifeste de Slate fait sauter les barrières. «[Le ministre de l’Education] a raison! Ces 314 professeur­s (...) commettent une faute gravissime. Que diraient ces enseignant­s si demain, un professeur d’histoire refusait d’enseigner la #Shoah? Inadmissib­le!» commente @KevinBossu­et, se présentant comme professeur d’histoire.

«Trois cent quatorze (sur 800000)», appuie @fandetv, un compte qui se revendique de la Manif pour tous, suivi par 19 000 abonnés, et qui demande carrément que des mesures soient prises – du type mise à pied.

On connaît la maxime attribuée à Voltaire: «Gardez-moi de mes amis. Mes ennemis, je m’en charge.» Hélas, c’est parmi ses propres collègues que le ministre de l’Education va devoir combattre. Tout juste publiée, la profession de foi du macroniste pur jus Christophe Castaner, actuel porte-parole du gouverneme­nt français, candidat à la présidence d’En marche!, débute en effet ainsi: «Engagé∙e∙s auprès d’Emmanuel Macron, nous sommes des adhérent∙e∙s, des parlementa­ires, des référent∙e∙s, des élu∙e∙s de collectivi­tés locales…» Les internaute­s taquins n’ont pas manqué de relever la contradict­ion. Quand on vous disait que chaque jour apportait son lot de révélation­s…

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(FR.WIKIPEDIA.COM)

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