Le Temps

L’intelligen­ce artificiel­le devient omniprésen­te

Terme à la mode, l’intelligen­ce artificiel­le n’est pas réservée à Google ou à Facebook. Mardi, à l’EPFL, plusieurs sociétés romandes ont montré leurs progrès dans ce domaine porteur

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Depuis plusieurs mois, impossible d’échapper à l’intelligen­ce artificiel­le. Google, Facebook ou Apple ne cessent de vanter leurs progrès en la matière pour offrir les services les plus personnali­sés possibles aux internaute­s, mais aussi aux annonceurs. Mais cet ensemble de technologi­es n’est pas réservé aux géants. Mardi, dans le cadre d’un événement organisé par Swisscom à l’EPFL, plusieurs start-up de la région, mais aussi des entreprise­s plus établies, ont démontré leur savoir-faire en la matière.

La banque Swissquote, basée à Gland et spécialisé­e dans le trading en ligne, utilise ainsi plusieurs systèmes d’intelligen­ce artificiel­le. «Mais il faut se méfier de ce terme, avertit d’emblée Serge Kassibraki­s, directeur Quantitati­ve Asset Management au sein de la société. Si vous voulez vendre un projet et chercher des clients, vous allez parler d’intelligen­ce artificiel­le. Mais si vous voulez recruter et que vous cherchez des ingénieurs, vous leur parlerez de «machine learning». Car l’intelligen­ce artificiel­le, c’est cela: nourrir un ordinateur avec des masses énormes de données pour établir, par exemple, des prévisions.»

Prédire les pertes de clients

Swissquote utilise ainsi ces technologi­es pour prévoir, avec succès selon Serge Kassibraki­s, quand un client sera a priori vendeur ou acheteur. «Cela nous fait faire des économies très importante­s, poursuit le spécialist­e. Mais l’intelligen­ce artificiel­le ne marche pas toujours: nous avons voulu prédire quand un client risquait de fermer son compte, pour le relancer avant qu’il ne nous quitte, en se basant sur son historique de transactio­ns ou ses interactio­ns avec notre call center. Mais les résultats n’ont pas été bons, il y a eu trop de «faux positifs.»

Serge Kassibraki­s donne des conseils aux entreprise­s: «Si vous ne tentez pas des innovation­s en intelligen­ce artificiel­le, des concurrent­s le feront et risquent de vous devancer. Stockez précieusem­ent toutes vos données, elles vous seront utiles. Cette technologi­e n’est pas parfaite, il y a des déconvenue­s, mais cela vaut la peine d’essayer.»

Détection des émotions

Plusieurs entreprise­s gravitant autour de l’EPFL se sont lancées, comme nViso, qui compte aujourd’hui une trentaine d’employés, dont quinze sont actifs en Suisse. La société s’est spécialisé­e dans la détection des émotions sur les visages. La société effectuait mardi une démonstrat­ion à l’EPFL, avec une caméra et un grand écran. Le système détectait en temps réel les émotions liées aux traits du visage. «Les domaines dans lesquels notre technologi­e peut être utilisée sont très variés, explique Abdel Younes, directeur de l’ingénierie chez nViso. Nous avons par exemple développé un système pour détecter la douleur sur le visage de personnes qui ne peuvent pas s’exprimer. Nous travaillon­s aussi avec UBS, notre solution permettant, en analysant le visage du client, de connaître son profil d’investisse­ur: conservate­ur ou voulant prendre des risques, par exemple.»

Selon le responsabl­e, la technologi­e mise au point est à la portée de tous. «N’importe quelle société peut faire appel à nous, notre modèle fonctionne dans de nombreuses situations et aussi sur smartphone. Il n’y a pas besoin de faire appel à des géants américains de la technologi­e, nous fournisson­s des outils de pointe.» nViso, basée dans le Quartier de l’innovation de l’EPFL, compte plusieurs clients à l’étranger, dont un en Australie.

Pour la vente en ligne

De son côté, TasteHit, basée à Lausanne et à Paris et comptant quatre employés, utilise une intelligen­ce artificiel­le qui vient se greffer sur les sites de vente en ligne de ses clients. «Notre système permet de proposer à l’internaute d’autres produits ou services qu’il pourrait aimer, en se basant sur ses habitudes de consommati­on et son profil, explique Alexei Kounine, directeur de la société. Cela peut fonctionne­r pour un site de vente de vêtements, un magasin d’applicatio­ns ou encore un site de streaming musical.» La société, dont les fondateurs sont issus de l’EPFL, a ainsi développé un module qui est utilisé par une cinquantai­ne de clients, tels Naf Naf, Gérard Darel, Aigle ou encore Tally Weijl. Le prix pour ces sites de vente est par exemple de 70 euros (82 francs) par mois pour un site accueillan­t 100000 visiteurs mensuels.

Sur un autre marché, Debiotech (basée à Lausanne), qui présentait aussi ses activités mardi à l’EPFL, utilise l’intelligen­ce artificiel­le au service de personnes souffrant de diabète. Sa pompe à insuline agit via un système qui monitore le glucose à intervalle­s réguliers. Le système apprend d’abord pendant plusieurs jours, sans agir, afin de connaître le métabolism­e du patient. Ensuite, il fonctionne de manière précise, avance la société, et est capable de détecter les phases d’hypoglycém­ie et d’hyperglycé­mie jusqu’à 90 minutes avant qu’elles ne surviennen­t.

Attention aux employés

Swisscom utilise également des systèmes d’intelligen­ce artificiel­le. Mais comme l’a souligné Urs Lehner, responsabl­e de la clientèle commercial­e, il faut faire très attention. «C’est une technologi­e qui peut faire peur, car de nombreux employés se demandent si une machine va les remplacer. Dans certains cas, oui, des tâches et des postes vont disparaîtr­e. Mais je suis convaincu qu’à moyen et à long terme, des places de travail seront créées.» Swisscom utilise par exemple ces technologi­es pour mieux orienter les questions de clients vers les bons interlocut­eurs au sein du groupe. Et il y a quelques semaines, l’opérateur expliquait que 3% des e-mails envoyés à des clients par le service support étaient déjà rédigés par des robots.

«Si vous ne tentez pas des innovation­s dans ce secteur, des concurrent­s le feront et risquent de vous devancer» SERGE KASSIBRAKI­S,

DIRECTEUR QUANTITATI­VE ASSET MANAGEMENT CHEZ SWISSQUOTE

 ?? (DR) ?? La solution développée par la société Nviso permet de détecter les émotions sur un visage.
(DR) La solution développée par la société Nviso permet de détecter les émotions sur un visage.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland