«Toutes les entreprises doivent s’y intéresser»
L’éclairage d’Isabelle Flückiger, spécialisée dans l’intelligence artificielle chez Accenture Digital Tout le monde ne parle désormais que d’intelligence artificielle. Est-ce un effet de mode ou s’agit-il de quelque chose de fondamentalement nouveau?
C’est juste, il est impossible d’échapper à ce terme, présent partout. En réalité, il n’y a pas de définition précise et communément acceptée de l’intelligence artificielle. Chez Accenture, nous la définissons par les capacités d’une machine de comprendre, par l’audio ou la vidéo, son environnement. La machine est capable de créer une représentation de ce savoir, de détecter le langage naturel et de le comprendre. La machine est ensuite capable d’agir et d’apprendre pour s’améliorer. Mais ce n’est pas fondamentalement nouveau. Les premiers filtres pour les spams, les e-mails indésirables, datent de plus de vingt ans et étaient déjà de l’intelligence artificielle. Idem pour les systèmes de pilotage automatiques des avions, qui sont plus vieux encore. Maintenant, l’intelligence artificielle est partout, notamment dans les smartphones, ce qui la rend plus populaire. Qu’y a-t-il d’autre de nouveau? Les données. Ces masses énormes de données que nous, ainsi que les machines, générons et qui nourrissent les systèmes d’intelligence artificielle. De plus, nous avons quotidiennement des interactions avec des systèmes d’intelligence artificielle, sans forcément toujours nous en rendre compte.
Y a-t-il le risque que les systèmes d’intelligence artificielle soient tous fournis par Google, IBM ou Microsoft, par exemple? Je ne crois pas. Il existe beaucoup de cas différents. Il y a bien sûr les entreprises que vous mentionnez et qui sont en contact direct avec leurs clients, et de manière quasi permanente. Ces entreprises sont clairement des leaders en intelligence artificielle. Mais il existe aussi beaucoup de marchés parallèles et de niche dans lesquels les entreprises élaborent leur propre système, sans dépendre de solutions créées par les géants de la Silicon Valley. Dans le domaine de l’industrie, de nombreuses entreprises ont programmé, elles-mêmes ou avec des sociétés externes locales, des systèmes très performants pour leurs propres besoins. Il n’y aura pas de position monopolistique en intelligence artificielle.
Quelle est la situation en Suisse? Elle est la même qu’au niveau mondial. Nous voyons beaucoup d’entreprises du SMI [le principal indice de la bourse suisse] qui sont des leaders, sur leur marché, en intelligence artificielle. Nous observons aussi beaucoup d’entreprises fintech à la pointe. Et même des PME commencent à adopter des solutions d’intelligence artificielle, tournant en partie sur des solutions cloud fournies par des entreprises étrangères. Toutes les entreprises ont intérêt à étudier ce phénomène pour ne pas perdre leurs avantages compétitifs.
Voyez-vous aussi des menaces liées à l’intelligence artificielle? Bien sûr, les propos pessimistes d’Elon Musk [cofondateur du constructeur automobile Tesla] ont eu un impact. Je pense qu’il faut, comme pour toute innovation, que le législateur soit proactif et créer un cadre souple. Il faut aussi considérer cette technologie d’un point de vue éthique pour créer des garde-fous. A mon avis, l’intelligence artificielle peut apporter beaucoup aux entreprises et aux humains. Je ne crois pas à la destruction massive d’emplois, mais plutôt à la création de nombreux emplois à plus forte valeur ajoutée.
«Les premiers filtres pour les spams, les e-mails indésirables, datent de plus de vingt ans et étaient déjà de l’intelligence artificielle»