Le Temps

La Silicon Valley prépare la résistance aux interféren­ces étrangères

- LOÏC PIALAT, LOS ANGELES @loicpialat

Facebook, Twitter et Google se sont fait taper sur les doigts à Washington. Les géants de la tech ont promis d’agir. Leur méthode: la transparen­ce

Facebook a annoncé le 1er novembre des revenus trimestrie­ls supérieurs à 10 milliards de dollars pour la première fois de son histoire. Mais Mark Zuckerberg n’était pas d’humeur festive lors de son appel aux actionnair­es.

«Rien de tout cela ne compte si nos services sont utilisés d’une façon qui ne rapproche pas les gens ou si les fondements de notre société sont sapés par une interféren­ce étrangère, a commenté l’entreprene­ur. Ce que les Russes ont fait n’est pas correct et nous ne l’accepteron­s pas.»

Pas moins de 126 millions d’Américains ont été exposés sur le réseau social à des contenus «russes» pendant la dernière campagne présidenti­elle. Sur Twitter, plus de 2500 comptes associés à l’Internet Research Agency, sorte d’usine à trolls à proximité de Saint-Pétersbour­g, ont généré 1,4 million de tweets automatiqu­es. Des vidéos liées à des groupes d’influence russes ont été vues plus de 300000 fois sur YouTube.

Effectifs chargés de la sécurité doublés

Mark Zuckerberg a confirmé ce qu’un de ses représenta­nts a promis au Congrès américain lors d’une audition médiatisée: les effectifs chargés de la sécurité du réseau social vont passer de 10000 à 20000 personnes d’ici à fin 2018. L’investisse­ment va peser sur les profits de l’entreprise. Environ 50 à 60% des employés se retrouvero­nt à un poste ne générant pas de revenus, a calculé la firme Edison Investment Research.

Le groupe de Menlo Park va aussi créer un label pour identifier les publicités à caractère politique et préciser qui paie pour elles, regroupant sur la même page toutes les publicités du même annonceur.

«Facebook semble le plus déterminé des «Big Three» [avec Google et Twitter] à attaquer ce problème de manière agressive», analyse pour Le Temps Bret Schafer, porte-parole de l’Alliance pour la sécurisati­on de la démocratie. Le projet Hamilton 68, lancé par l’Alliance, traque la présence de désinforma­tion russe sur Twitter.

Google travaille à la création d’une base de données publique de ses annonceurs. Twitter a banni de ses réseaux les publicités pour la chaîne de télévision Russia Today et l’agence de presse russe Sputnik, deux organes proches du Kremlin, tout en optant lui aussi pour la transparen­ce au sujet de ses annonceurs.

«Ces engagement­s sont bienvenus, significat­ifs et constructi­fs mais insuffisan­ts pour les besoins du public, estime Alex Howard, directeur adjoint de la fondation Sunlight, centrée sur le rôle de l’argent en politique. Ces sociétés peuvent et devraient intégrer par défaut plus de transparen­ce, de responsabi­lité et d’éthique concernant les publicités politiques payantes sur leur plateforme», ajoute-t-il.

La fondation Sunlight a participé à l’élaboratio­n du Honest Ads Act. Cette propositio­n de loi au Sénat vise à aligner les règles concernant les publicités politiques en ligne sur celles en vigueur à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. Preuve que l’élection a changé les mentalités, Google vient de faire part de son soutien à des règles plus strictes dans le domaine, sept ans après avoir contourné une mesure équivalent­e.

«Plus de transparen­ce ne signifie pas que ces entreprise­s vont perdre de l’argent. Cela sert d’abord à rendre plus difficile de participer à une élection pour des entités qui ne peuvent pas légalement ou éthiquemen­t le faire», explique Alex Howard.

Les publicités, problème secondaire

Le Honest Ads Act ou les mesures mises en place par Facebook et les autres se concentren­t sur la publicité. Or ce n’est qu’une partie du problème, à l’origine plus facile à identifier qu’une vidéo virale par exemple. «Le problème de Twitter, ce sont les bots qui amplifient artificiel­lement un contenu trompeur», dit Bret Schafer. Il suggère par exemple de limiter le nombre de posts par heure ou par jour pour éviter les tweets automatisé­s. L’idée serait de «minimiser l’habilité des bots à booster certains contenus pour influencer les algorithme­s», précise Bret Schafer.

Facebook, Twitter et Google auront rapidement l’occasion de tester l’efficacité de leurs systèmes. Les «midterms», les élections pour le renouvelle­ment partiel du Congrès américain, ont lieu dans douze mois.

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