Le Temps

A Téhéran, des tabous de façade

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Ali Soozandeh éclaire la schizophré­nie de la société iranienne dans un film démonstrat­if

Il y a d'abord la prouesse technique. Téhéran Tabou est un film d'animation réalisé en rotoscopie: de vrais acteurs ont été filmés devant des fonds verts, sur lesquels ont, dans un second temps, été incrustés des décors mêlant dessins traditionn­els et images numériques. Une fois le tournage live achevé, une quarantain­e de dessinateu­rs ont passé treize mois à donner corps à ce film qui impression­ne ensuite par son sujet.

L'Iranien Ali Soozandeh, installé depuis plus de vingt ans en Allemagne, y montre comment, derrière les interdits religieux de façade, Téhéran a, comme toutes les capitales occidental­es, ses histoires sordides de prostituti­on, de drogue et de corruption.

Doubles vies

L'absence de liberté pousse les Iraniens à mener des doubles vies, estime le réalisateu­r, qui ne peut plus retourner dans ce pays qu'il a choisi de fuir. Téhéran Tabou montre notamment comment l'honneur reste la valeur suprême, l'important étant alors moins de tout faire pour la respecter que de ne pas se faire attraper si on a un comporteme­nt que la loi islamiste réprouve. En gros, il est plus dangereux pour un couple d'amoureux de se tenir la main en public que pour un ayatollah d'aider une mère en détresse en échange de ses faveurs.

Le film suit le parcours de trois femmes et un homme. De manière volontaris­te et parfois trop appuyée, il dénonce les dérives et incohérenc­es d'une société schizophrè­ne. Ali Soozandeh n'est pas dans la nuance, mais dans la démonstrat­ion. La rotoscopie amène heureuseme­nt une certaine distance et permet au récit de glisser du côté de la fable.

Téhéran Tabou (Tehran Taboo), d’Ali Soozandeh (Allemagne, 2017), avec Arash Marandi, Alireza Bayram, Zahra Amir Ebrahimi. 1h36.

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