La fin sans éclat de l’ère Merkel
Est-ce la fin pour Angela Merkel? Après 12 ans de pouvoir ininterrompu, on avait fini par croire la chancelière inusable, presque éternelle, en tout cas indispensable à l’équilibre européen, sinon mondial. Il va falloir apprendre à s’en passer, peut-être très bientôt.
Car seul un retournement spectaculaire ou une improbable constellation partisane pourrait la porter vers un quatrième mandat à la tête de l’Allemagne. Au mieux, Angela Merkel semble vouée à diriger son pays encore quelques mois, dans le cadre d’un gouvernement chargé des affaires courantes. Avec l’espoir implicite que les autres partis se lassent et acceptent de la reconduire dans ses fonctions, faute d’alternative, grâce à l’une de ces alliances contre nature dont l’Allemagne a fini par se lasser.
On avait pourtant cru à sa «coalition Jamaïque» mêlant conservatisme bon teint, écologie et un libéralisme rajeuni. Concocter un salmigondis de sensibilités opposées dans un mélange insipide, mais souvent efficace: c’était ça, la méthode Merkel.
Mais cette fois, le miracle n’a pas eu lieu. Certaines différences politiques sont irréconciliables. Comme sur l’immigration, domaine dans lequel Angela Merkel avait fait preuve de la plus grande audace et qui est revenu la hanter.
L’Allemagne semble désormais s’acheminer vers une clarification politique indispensable, après des années de «grandes coalitions» gauche-droite qui ont brouillé les repères idéologiques et ouvert une voie triomphale au populisme.
Mais la voie de la clarté risque de s’avérer cahoteuse. Angela Merkel n’a pas préparé sa succession. Intoxiqué par ses succès électoraux à répétition, ou persuadé qu’elle durerait toujours, son parti a omis de faire émerger des figures capables d’incarner le renouveau.
Une fois n’est pas coutume en politique allemande, les prochains mois devraient donc réserver des surprises. De quoi offrir un contraste bienvenu avec la prévisibilité anesthésiante de l’ère Merkel.
Et l’Europe? On a beaucoup dit que la chancelière était la dernière figure crédible d’un monde occidental bousculé par le Brexit, Trump et autres chocs électoraux. Mais Angela Merkel a aussi été la face bonhomme d’un certain immobilisme européen: cultivant la rigueur financière, parfois à l’excès, rétive aux constructions politiques nouvelles et toujours soucieuse de ne pas fâcher, de ne pas brusquer.
Malgré tout le travail qu’elle a accompli sur de multiples fronts – et auxquels il faudra rendre hommage le jour où elle partira vraiment –, la chancelière n’a pas su déclencher de rebond européen.
Sur ce plan aussi, le renouvellement attendu à la tête de l’Allemagne peut ouvrir des perspectives. Devenu le leader assumé du Vieux Continent, son pays semble mûr pour recevoir une direction plus décisive, plus inspirante et moins usée par le pouvoir.
Malgré tout le travail accompli, la chancelière n’a pas su déclencher de rebond européen