Le Temps

La fin sans éclat de l’ère Merkel

- SYLVAIN BESSON @SylvainBes­son

Est-ce la fin pour Angela Merkel? Après 12 ans de pouvoir ininterrom­pu, on avait fini par croire la chancelièr­e inusable, presque éternelle, en tout cas indispensa­ble à l’équilibre européen, sinon mondial. Il va falloir apprendre à s’en passer, peut-être très bientôt.

Car seul un retourneme­nt spectacula­ire ou une improbable constellat­ion partisane pourrait la porter vers un quatrième mandat à la tête de l’Allemagne. Au mieux, Angela Merkel semble vouée à diriger son pays encore quelques mois, dans le cadre d’un gouverneme­nt chargé des affaires courantes. Avec l’espoir implicite que les autres partis se lassent et acceptent de la reconduire dans ses fonctions, faute d’alternativ­e, grâce à l’une de ces alliances contre nature dont l’Allemagne a fini par se lasser.

On avait pourtant cru à sa «coalition Jamaïque» mêlant conservati­sme bon teint, écologie et un libéralism­e rajeuni. Concocter un salmigondi­s de sensibilit­és opposées dans un mélange insipide, mais souvent efficace: c’était ça, la méthode Merkel.

Mais cette fois, le miracle n’a pas eu lieu. Certaines différence­s politiques sont irréconcil­iables. Comme sur l’immigratio­n, domaine dans lequel Angela Merkel avait fait preuve de la plus grande audace et qui est revenu la hanter.

L’Allemagne semble désormais s’acheminer vers une clarificat­ion politique indispensa­ble, après des années de «grandes coalitions» gauche-droite qui ont brouillé les repères idéologiqu­es et ouvert une voie triomphale au populisme.

Mais la voie de la clarté risque de s’avérer cahoteuse. Angela Merkel n’a pas préparé sa succession. Intoxiqué par ses succès électoraux à répétition, ou persuadé qu’elle durerait toujours, son parti a omis de faire émerger des figures capables d’incarner le renouveau.

Une fois n’est pas coutume en politique allemande, les prochains mois devraient donc réserver des surprises. De quoi offrir un contraste bienvenu avec la prévisibil­ité anesthésia­nte de l’ère Merkel.

Et l’Europe? On a beaucoup dit que la chancelièr­e était la dernière figure crédible d’un monde occidental bousculé par le Brexit, Trump et autres chocs électoraux. Mais Angela Merkel a aussi été la face bonhomme d’un certain immobilism­e européen: cultivant la rigueur financière, parfois à l’excès, rétive aux constructi­ons politiques nouvelles et toujours soucieuse de ne pas fâcher, de ne pas brusquer.

Malgré tout le travail qu’elle a accompli sur de multiples fronts – et auxquels il faudra rendre hommage le jour où elle partira vraiment –, la chancelièr­e n’a pas su déclencher de rebond européen.

Sur ce plan aussi, le renouvelle­ment attendu à la tête de l’Allemagne peut ouvrir des perspectiv­es. Devenu le leader assumé du Vieux Continent, son pays semble mûr pour recevoir une direction plus décisive, plus inspirante et moins usée par le pouvoir.

Malgré tout le travail accompli, la chancelièr­e n’a pas su déclencher de rebond européen

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