Le Temps

Charles Manson, l’ange du mal DISPARITIO­N

- CAROLINE CHRISTINAZ @Caroline_tinaz

Emprisonné depuis plus de quarante ans, le célèbre criminel qui avait commandité une vague de meurtres aux Etats-Unis dans les années 1960 est mort dimanche à 83 ans. Retour sur le parcours hallucinan­t d’un gourou psychopath­e.

Le c r i minel Charles Manson meurt, les internaute­s regrettent le chanteur dont ils oublient le prénom. Ce matin à l’aube, il y a eu méprise

Surprise. Ce matin à l’aube, la nouvelle du décès de Charles Manson est diffusée sur la Toile. On s’attendait à des soulagemen­ts, voire des ultimes insultes à son encontre. Ce fut tout le contraire. Sur Twitter, l es hommages pleuvent. Charles Manson, celui qui a plus vécu en prison qu’en liberté. Celui à qui l’on doit l’épilogue sanglant de l’assassinat de Sharon Tate, la deuxième épouse de Roman Polanski, ainsi que de ses convives dans la demeure de Cielo Drive à Los Angeles. Charles Manson, osons le dire, enfin, est mort. Et, surprise, les réseaux lui réservent le même traitement que pour celui réservé à John Lennon, Jim Morrisson ou Leonard Cohen. Ce lundi matin, même Charles Manson a eu droit à son «RIP Charles Manson».

Ce ne sont que trois lettres qui souhaitent en latin par Requiescat in pace de reposer en paix au défunt. Exprimées par des mortels, ces trois lettres peuvent être considérée­s comme un appel aux entités de l’au-delà pour qu’elles fassent preuve de bienveilla­nce envers l’âme qu’elles s’apprêtent à recevoir. Sur les réseaux, c’est du moins ainsi que l’on semble aimer saluer l’envol d’une créature terrestre. Mais jusqu’à aujourd’hui, pas n’importe qui y avait droit. Les réseaux sont déroutants. I l s rendent un hommage même aux personnes qui ne le méritent pas. Ont-ils raison? On s’interroge. Tout le monde a-t-il droit à son salut? Ira-t-on tous au paradis? Pardonner rend-il plus léger?

Soit. Ce matin, on se retrouve alors à chercher les bons côtés de ce Machiavel des sixties. Il aimait les Beatles. Il jouait de la guitare. Il prenait moins de drogues que les membres possédés de sa «famille». Mais cela vaut-il un RIP?

Il a fallu que quelques heures passent. Et enfin, parmi le flot de déférences réservées au criminel au front orné d’une croix gammée, certains internaute­s se sont réveillés: « Des gens écrivent R. I. P. Charles Manson… Vous prenez quelle drogue? Pourquoi pas des «Hitler on pense à toi», ou «Jack l’éventreur, on ne t’oublie pas»?», questionne @laurentfeb­ay sur Twitter. Quant à @vveaponXme­n, il s’adresse, lui, à la Toile entière: «Vous êtes sûrs que Charles Manson mérite de reposer en paix? J’ai quelques doutes, moi…»

Charles Manson en 2011.

C’est qu’en fait, il y a eu un quiproquo. Au petit matin, les usagers des réseaux avaient sans doute la mémoire encore vaporeuse. Charles Manson, le criminel, a été confondu avec Marilyn Manson, le rockeur gothique. A condition que ça lui arrive parfois, cette méprise a d’ailleurs bien dû faire rire l’artiste. Lui qui est né Brian Hugh Warner a justement choisi son sobriquet en mémoire à Charles Manson, incarnatio­n selon lui du mal et donc, selon lui toujours, une source d’inspiratio­n.

Alors les réseaux sortent de leur torpeur. A l’erreur, on préfère prétexter le deuxième degré. «Mort de Charles Manson», annonce @ MagicKervi­el, «c’était un meurtrier, mais il faisait quand même de la bonne musique.» Et au Rest in Peace, on favorise un Rest in Hell, qui semble mieux convenir au défunt.

Jusqu’au bout, la double personnali­té aura hanté l ’esprit de Charles Manson. Les psychiatre­s de la prison de Corcoran en Californie, où il a croupi jusqu’à la fin de ses jours, avaient diagnostiq­ué chez lui une schizophré­nie paranoïde. Peut- être était- ce une espiègleri­e de Belzébuth, car même mort, c’est la disparitio­n d’un autre que regrettent les réseaux.

Dans l’après-midi, sur la Toile, les forces du mal et du bien ont regagné leurs camps respectifs. En fin de compte, le Diable n’aura pas droit à sa place au paradis. Car non, les réseaux n’offrent pas le bon Dieu à quiconque sans confession et les yeux fermés. Mais parfois, ils se trompent.

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(MICHAEL OCHS ARCHIVES/GETTY IMAGES)
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(CDCR/REUTERS)

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