Paris et Amsterdam gagnantes du Brexit
Les deux villes vont accueillir les agences européennes qui ne pourront plus se trouver à Londres après le Brexit, l’Agence européenne des médicaments et l’Autorité bancaire européenne. Les ministres européens ont départagé hier 23 villes candidates et tourné une première page de l’a ppartenance du Royaume-Uni à l’UE
Le Brexit n’a pas encore eu lieu mais les Etats membres n’ont pas attendu 2019 pour commencer à se partager les premières miettes. Lundi à Bruxelles, les ministres en charge des Affaires européennes ou étrangères, selon le portefeuille choisi dans leurs capitales, ont décidé de rapatrier les agences européennes se trouvant actuellement à Londres, l’Agence européenne des médicaments (EMA en anglais) et l’Autorité bancaire européenne (EBA), à Amsterdam et Paris. Les deux agences ne pourront en effet plus rester à Londres après mars 2019, date théorique du départ britannique, même si Londres avait pourtant bien tenté de les retenir en début de négociation. Londres devra d’ailleurs financer le déménagement.
C’est à l’issue d’un vote à bulletin secret que les ministres ont tranché, tournant ainsi une première page de l’histoire de l’appartenance britannique à l’UE. L’émotion et la nostalgie n’ont pas vraiment guidé le processus. Pour Donald Tusk, le président du Conseil européen, cette journée était même plutôt synonyme de victoire collective pour les Vingt-Sept, qui montrent qu’ils sont tout à fait prêts à gérer le Brexit, comme il l’a tweeté en début de journée.
Vingt-trois villes en lice
La course aux agences européennes s’est très rapidement lancée. La notification de la sortie du Royaume-Uni à peine envoyée par Theresa May en mars dernier, les capitales des Vingt-Sept se met- taient déjà dans les starting-blocks. Car il y a des emplois à la clé et des retombées économiques pour ces vi l l es, l ’ EMA comptant 900 employés et l’EBA 170, ces personnes venant en outre avec leurs familles. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, pas moins de 23 villes se sont ainsi jetées dans la partie, en l’occurrence 19 pour l’EMA et 8 pour l’EBA.
Pour l’EMA, chargée d’autoriser la mise sur le marché de médicaments, Amsterdam était en lice aux côtés d’Athènes, Zagreb, Bruxelles ou Barcelone. Pour l’EBA, chargée de mettre en oeuvre la régulation financière européenne, Paris était opposée à Bruxelles, Dublin, Francfort, Luxembourg, Vienne et Varsovie et s’est retrouvée face à Dublin au dernier tour, Francfort – qui a déjà la Banque centrale européenne – n’ayant pas passé le second tour.
Comme s’ils voulaient rendre ce premier effet concret du Brexit plus sympathique, les Européens se sont aussi conçu une procédure de vote sur mesure et très proche, selon les mauvaises langues, de celle de l’Eurovision.
Eviter les longs débats
C’est en réalité pour s’épargner de longs casse-tête entre leaders politiques que les 27 chefs d’Etat et de gouvernement avaient décidé en juin dernier de procéder à un système de vote par points. Les Européens s’étant déjà longuement disputés par le passé sur l’accueil de certaines agences, comme l’Autorité de sécurité des aliments, les chefs d’Etat ne voulaient pas revivre cela, d’autant plus face au gouvernement de Theresa May vis-à-vis duquel ils ne cessent d’opposer leur unité.
Les ministres avaient donc chacun six points au premier tour de vote, dont 3 points pour leur ville préférée (y compris leur propre ville candidate), 2 points pour la deuxième ville préférée et 1 point pour la troisième préférence. Au deuxième tour, ne restaient que les trois villes ayant eu le plus de points, puis les deux der- nières dans un troisième tour si elles n’avaient pas pu se départager. Pour l’EMA, il aura d’ailleurs fallu tirer au sort entre Milan et Amsterdam, les deux villes étant arrivées au troisième tour à égalité. Idem pour l’agence bancaire, où Paris et Dublin ont dû être départagées par un tirage au sort.
Barcelone éliminée au premier tour
Certaines villes n’auront en tout cas pas résisté longtemps. Conséquence directe des troubles en Catalogne? Barcelone, qui lorgnait l’EMA, a ainsi été balayée dès le premier tour. Si des villes ont opéré un lobbying intense toutes ces dernières semaines – et les Etats membres soupçonnés de se livrer entre eux à du marchandage – rien n’a filtré. L’Italie a seulement démenti des allégations selon lesquelles elle aurait proposé d’augmenter ses contingents militaires dans les pays Baltes pour favoriser Milan.
La Commission européenne s’est, elle, en tout cas bien gardée de se prononcer sur ce concours. Chargée d’évaluer les candidatures, elle a publié en septembre un tableau bien fade, se contentant de lister les points forts et les points faibles des 23 villes. L’offre néerlandaise présentait par exemple une exemption d’impôts pouvant aller jusqu’à 30% pendant huit ans pour les fonctionnaires de l’EMA et leur famille. Quant à Paris, la France n’avait pas proposé d’avantages fiscaux mais mis en avant son système de sécurité sociale par exemple.
Selon des sondages internes, les employés de ces agences européennes avaient aussi indiqué les villes où ils ne souhaitaient pas se rendre: en l’occurrence Varsovie, Sofia, Bucarest et Bratislava. L’EMA avait même fait savoir qu’une ville peu rassembleuse aurait des effets négatifs sur leur capacité de travailler et donc sur la santé publique…
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