Le Temps

Au Chili, le second tour sera plus serré que prévu

- CHRISTINE LEGRAND (LE MONDE), SANTIAGO DU CHILI

Le candidat de droite n'a pas fait le plein des voix, et affrontera le centre gauche

Sebastian Piñera, le candidat de centre droit, est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidenti­elle chilienne, dimanche 19 novembre, avec 36,7% des suffrages. L’homme d’affaires milliardai­re de 67 ans a devancé son rival de centre gauche, le sénateur socialiste Alejandro Guillier, 64 ans, qui a réuni 22,6% des votes.

Le second tour, le 17 décembre, pour déterminer qui succédera à Michelle Bachelet le 18 mars 2018, s’annonce plus incertain que prévu. Sebastian Piñera a recueilli beaucoup moins de voix que le prédisaien­t les derniers sondages, qui le créditaien­t de 42% des suffrages. «Nous allons avoir un second tour très disputé», a admis Andrés Chadwick, le chef de campagne de Sebastian Piñera.

Ancien journalist­e, vedette de la télévision, Alejandro Guillier propose de «gouverner avec les gens» et de poursuivre les réformes entreprise­s par la présidente socialiste Michelle Bachelet en faveur de la santé, de l’éducation et des retraites notamment. Il espère attirer les électeurs de la journalist­e Beatriz Sanchez, dont le bon score inattendu (20,3%) la propulse en troisième position, à la tête du Frente Amplio, coalition de la gauche radicale qui a surgi en janvier dans la foulée des mouvements de protestati­on des étudiants et des retraités. A 46 ans, la populaire commentatr­ice de radio jouera le rôle d’arbitre pour le second tour.

Le «pinochétis­me» toujours vivant

A l’autre extrême, les sondages n’avaient pas prévu les 7,8% recueillis par José Antonio Kast (51 ans), candidat de l’extrême droite ultralibér­ale et d’une partie des milieux militaires. José Antonio Kast revendique l’héritage de la dictature militaire (1973-1990). «Avec Pinochet, nous aurions pris le thé au palais de la Moneda», le siège de la présidence, a-t-il déclaré à la veille du scrutin. Il s’est prononcé contre toutes les réformes entre- prises par le gouverneme­nt Bachelet, et notamment la dépénalisa­tion de l’avortement.

Son résultat révèle que, même si son poids s’est réduit au fil des ans, le «pinochétis­me» reste une réalité au Chili, avec nombre de partisans au sein des catégories sociales supérieure­s et de l’Union démocrate indépendan­te (UDI), le plus grand parti du pays.

Pour sa part, le parti traditionn­el Démocratie chrétienne (DC) a subi une cuisante défaite, avec le plus mauvais score de son histoire. Sa candidate Carolina Goic n’a recueilli que 5,8% des voix. Pour la première fois, la DC présentait son propre candidat en dehors de la coalition de centre gauche, la Concertati­on démocratiq­ue, à laquelle elle appartenai­t depuis vingt-sept ans. L’alliance, qui existait depuis le retour de la démocratie, a éclaté.

Le «Berlusconi chilien»

Sebastian Piñera, dont la fortune est estimée à plus de 2 milliards d’euros et qui a été surnommé le «Berlusconi chilien», avait été, en 2010, le premier président de droite élu depuis le retour de la démocratie. Il n’avait pu se représente­r, tout comme Michelle Bachelet aujourd’hui: l a l oi chilienne interdit d’effectuer deux mandats consécutif­s.

Sebastian Piñera, partisan d’une «droite rénovée et libérale» débarrassé­e de l’héritage Pinochet, a durci son discours pendant la campagne à la suite de l’irruption de José Antonio Kast sur la scène politique. Jusqu’alors, il avait toujours cherché à marquer ses distances avec la dictature: en 1988, il avait voté non au plébiscite qui avait précipité la chute du régime militaire. Il avait également accusé une partie de la droite d’héberger des «complices passifs» de la dictature.

Mais certains analystes estiment qu’il va devoir courtiser le vote pinochétis­te avant le second tour. D’autres, comme le politologu­e Patricio Navia, pensent que «Sebastian Piñera devra adopter des positions modérées pour pouvoir gagner». Commentant l’élection, Michelle Bachelet a déclaré que «les Chiliens ont démontré qu’ils veulent continuer d’avancer» et lancé un appel à «l’unité du Chili».

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