Le Temps

Nouvelle thérapie pour lutter contre la schizophré­nie

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-LAURE THÉODULE

Une équipe mixte entre le CHUV de Lausanne et l’Université américaine Harvard ouvre la voie à un nouveau traitement neuro-protecteur de la schizophré­nie. Questions à Kim Do, cheffe du Centre de neuroscien­ces psychiatri­ques du CHUV de Lausanne Vous venez de tester avec succès un nouveau traitement contre la schizophré­nie. De quoi s’agit-il? Aujourd’hui, plusieurs données suggèrent qu’un stress oxydant dans le cerveau [une agression des cellules par des radicaux libres, qui peut avoir une origine génétique ou environnem­entale, ndlr] joue un rôle important dans le développem­ent des différente­s formes de schizophré­nie, un syndrome multiforme qui touche environ 100000 personnes en Suisse. Ce stress oxydant induit des lésions neuronales qui provoquent entre autres des troubles cognitifs. Or nous pensons qu’un médicament générique antioxydan­t et sans effets secondaire­s, la NAC (N-acétyle-cystéine), peut rétablir l’équilibre et atténuer certains symptômes. La NAC est un précurseur du glutathion, l’un des plus importants antioxydan­ts cérébraux, dont le métabolism­e est perturbé chez environ un tiers des patients. Nous avions déjà montré dans une étude précédente un effet positif de la NAC chez des personnes atteintes de schizophré­nie chronique mais seulement sur certains symptômes dits négatifs de la maladie – perte d’énergie, retrait social, émoussemen­t des émotions. Cette fois, nous voulions tester si cette molécule a un effet neuro-protecteur sur des patients en début de maladie.

Comment avez-vous procédé? En collaborat­ion avec l’équipe du professeur Philippe Conus, chef du Service de psychiatri­e générale du CHUV, nous avons conduit un essai clinique auprès de 63 personnes ayant récemment développé un premier épisode psychotiqu­e. Elles ont reçu durant six mois par voie orale soit la NAC soit un placebo, en plus de leur traitement neurolepti­que standard. Résultat: nous avons observé un effet direct du médicament, l’augmentati­on du glutathion cérébral, en utilisant une technique non invasive, l’imagerie par spectrosco­pie. Nous avons mesuré une améliorati­on des fonctions cognitives, notamment une augmentati­on de 20 à 30% de la vitesse du traitement de l’informatio­n. Jusqu’à présent, aucun médicament n’avait montré d’effet positif sur ces déficits cognitifs très invalidant­s pour les patients. Enfin, chez un sous-groupe de patients présentant des taux d’oxydation élevés dans le sang, l’administra­tion de la NAC a aussi diminué d’autres symptômes, comme les hallucinat­ions et les idées délirantes.

Peut-on déjà envisager d’administre­r ce traitement? Il faut d’abord que nous validions l’efficacité de la NAC sur un plus grand nombre de patients. Et que nous cherchions s’il n’existe pas une substance antioxydan­te plus performant­e. Mais, avec cette étude, nous avons déjà établi qu’il existe un sous-groupe de patients pour lequel ce médicament est très efficace. C’est un pas important vers la personnali­sation des traitement­s.

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