Le Temps

A Neuchâtel, la campagne sur la santé s’enflamme

- DOREEN ENSSLE @DoreenEnss­le

A cinq jours de la votation sur la CCT Santé 21, le PLR neuchâtelo­is dépose une plainte pénale. En cause: des affiches sauvages jugées diffamatoi­res, qui épinglent un conflit d’intérêts entre le groupe Genolier et des élus impliqués dans la campagne

C’est l’énième «coup bas» de la campagne sur la CCT Santé 21, dénonce la section PLR du canton de Neuchâtel (PLRN). Des affiches sauvages placardées la semaine dernière ont fait réagir le parti bourgeois, qui a déposé plainte auprès du Ministère public. Ces dernières détournent en effet les portraits de plusieurs personnali­tés du parti. «La campagne prend une tournure diffamatoi­re et déloyale», dénonce le PLR.

Pour rappel, le canton vote le 26 novembre sur la convention collective de travail (CCT) Santé 21. L’accord concerne 5700 travailleu­rs du secteur de santé public et parapublic. La droite le juge trop coûteux et souhaite l’abolir afin que de nouvelles convention­s soient renégociée­s. Parmi ses défenseurs: les syndicats, la gauche, ainsi que le gouverneme­nt, qui craignent une remise en cause des acquis sociaux.

La campagne n’avait pas commencé sous les meilleurs auspices. Déjà fin octobre, Laurent Kurth, conseiller d’Etat en charge de la Santé, se dit choqué par l’argumentai­re de la droite visant à «opposer les employés». Ni une ni deux, le PLR et l’UDC ont dénoncé une brochure d’informatio­n «clairement orientée». Ils accusent le gouverneme­nt de «manipuler les votants en verrouilla­nt l’informatio­n». In fine, aucune action légale n’a été entreprise, notamment en raison d’une Constituti­on neuchâtelo­ise «trop floue en la matière».

Attaques personnell­es sur les réseaux sociaux

Le débat a pris ensuite la forme d’attaques personnell­es sur les réseaux sociaux. La polémique a fini par déborder sur l’espace public il y a quelques jours, lorsque des affiches sauvages sont placardées à Neuchâtel. «PLR au service des lobbies», peut-on y lire. Un slogan accompagné d’images détournées d’élus du parti. Olivier Lebeau, chef du groupe libéral-radical au Grand Conseil, ainsi que Philippe Bauer, conseiller national, se retrouvent ainsi affublés d’une tenue de médecin.

Au bas des affiches anonymes, l’inscriptio­n «Garanti 100% Swiss Medical Network». Comprenez: les figures du PLR impliquées dans la campagne servent les intérêts de Genolier Swiss Medical Network (GSMN), un groupe suisse de cliniques privées. La société possède l’Hôpital de la Providence à Neuchâtel et la Clinique Montbrilla­nt à La Chaux-de-Fonds. A son arrivée en 2013, elle avait licencié 22 grévistes qui réclamaien­t le maintien de la CCT Santé 21. Le Conseil d’Etat fait pression régulièrem­ent sur le groupe privé pour qu’il accepte de l’appliquer.

Parmi les politicien­s mis en cause par ces affiches, on retrouve le conseiller national Philippe Bauer, également administra­teur du groupe privé. Mais ce dernier se défend d’avoir dissimulé ses liens avec GSMN. Quant à son collègue Olivier Lebeau, il explique avoir quitté toute fonction dirigeante au sein du groupe en 2015. Désormais à la tête d’une société «partenaire de l’Hôpital de la Providence», il assure ne percevoir «aucun salaire du groupe». Face aux attaques personnell­es, l’élu déplore «une campagne qui glisse vers le populisme de caniveau».

Un climat tendu

Le ton agressif que prend la campagne surprend également Baptiste Hurni, président du groupe socialiste au Grand Conseil. Il estime cependant que «les affiches dégradante­s de la droite envers le personnel ont donné le ton». Le socialiste se pose également la question de savoir si «l’initiative du PLR a été lancée sous couvert du groupe Genolier».

«Dès qu’on aborde un enjeu hospitalie­r, le débat devient tout de suite exécrable», souligne Nicolas Ruedin, président du PLR neuchâtelo­is. Les discussion­s autour de la CCT Santé 21 intervienn­ent en effet dans un climat tendu autour des questions de santé. Le gouverneme­nt, qui soutient la convention actuelle, craint que sa suppressio­n nuise aux nombreuses réformes en cours. Parmi elles, le chantier hospitalie­r. Le Conseil d’Etat doit encore présenter son plan d’applicatio­n de l’initiative pour deux hôpitaux, acceptée le 12 février à la surprise générale.

Selon Florence Nater, la présidente du PS cantonal, si la question de la CCT Santé 21 est aussi sensible, c’est également en raison «d’un climat général plus fragile». La socialiste évoque notamment le budget déficitair­e du canton, qui se monte à 66 millions pour 2018.

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