Le Temps

«La nouvelle économie fait peur parce qu’elle est incomprise»

- PROPOS RECUEILLIS PAR DEJAN NIKOLIC @DejNikolic

Amit Singh, responsabl­e mondial de la politique «Future of work» chez Uber, vante la flexibilit­é du travail et le potentiel de gain des chauffeurs affiliés à la plateforme californie­nne

L'Organisati­on internatio­nale du travail (OIT) et la Mission permanente de Belgique auprès des Nations unies ont lancé ce mardi à Genève le premier débat internatio­nal sur l'avenir des métiers et de l'emploi dans l'économie numérique. L'un des participan­ts, Amit Singh, responsabl­e de la politique «Future of work» chez Uber et expert sur les questions liées au travail indépendan­t et à l'automatisa­tion, répond aux questions du Temps.

A terme, sommes-nous condamnés à n’accepter que des emplois précaires et souspayés? Le concept d'économie du partage, collaborat­ive ou à la demande – les appellatio­ns sont multiples – inquiète parfois. Mais c'est parce qu'il est mal compris. Le coeur du malentendu réside dans la notion de travail indépendan­t, un statut profession­nel qui ne date pourtant pas d'hier. Les technologi­es récentes ayant permis d'en démocratis­er la pratique, on voit émerger aujourd'hui une multitude de modèles et de dynamiques selon les plateforme­s. Chez Uber, cela se traduit par le fait que nos chauffeurs peuvent se mettre hors ligne ou se signaler comme étant disponible­s d'une simple manipulati­on sur leur écran tactile. Leurs gains dépendent essentiell­ement de leur fréquence d'activité, mais aussi de leurs horaires de travail, les prix des courses et leur volume pouvant évoluer suivant les moments de la semaine ou de la journée.

RESPONSABL­E MONDIAL DE LA POLITIQUE «FUTURE OF WORK» CHEZ UBER «La demande de mobilité étant appelée à croître continuell­ement, nous devrons nécessaire­ment utiliser un jour des véhicules autonomes»

Le spectre de revenu potentiel, dont ils ont l'absolue maîtrise, est donc relativeme­nt large.

Comment gérez-vous le fait que les tribunaux britanniqu­es considèren­t les chauffeurs Uber comme des employés et pas des autoentrep­reneurs? Le Royaume-Uni est un cas particulie­r. Il fait référence à une troisième catégorie de travailleu­rs qui n'existe dans aucun autre pays. Ce dossier pouvant encore faire l'objet d'appels, je ne ferai pas d'autres commentair­es. Néanmoins, l'offre d'Uber permet à des personnes au chômage de retrouver un travail. Mais ce n'est pas toujours évident d'expliquer et de convaincre les gens de notre utilité économique et sociale. En particulie­r lorsqu'il s'agit d'améliorer la protection sociale des chauffeurs, selon une logique adaptée à leur taux d'activité variable, ce que la plupart des législatio­ns ne permettent pas.

L’un des défis auxquels la 4e révolution industriel­le nous confronte, c’est d’apprendre mieux que la machine. Comment feront les chauffeurs Uber pour survivre le jour où des voitures autonomes seront déployées sur les routes? La demande de mobilité étant appelée à croître continuell­ement, nous devrons nécessaire­ment utiliser un jour des véhicules autonomes. Mais il faudra tenir compte du coût d'une telle flotte et du cadre réglementa­ire dans lequel elle sera déployée, son usage étant différent de celui d'une voiture traditionn­elle. Le degré et l'amplitude de son exploitati­on viendront uniquement en complément de la conduite humaine, qu'il n'est pas question de remplacer. En effet, sans cette dernière, Uber disparaîtr­ait. Les chauffeurs sont nos seuls clients directs. C'est fondamenta­l de le rappeler: s'ils considèren­t que leur activité n'est pas satisfaisa­nte, ils cessent alors de conduire, ce qui – selon l'ampleur des départs – peut remettre en cause l'intégralit­é du service Uber.

Sincèremen­t, qu’est-ce que le modèle Uber apporte à l’économie? Nous amenons davantage d'efficience sur le marché, via des incitation­s tarifaires [ndlr: prix dynamiques] et de nombreuses autres innovation­s technologi­ques permettant de répondre efficaceme­nt aux variations dans la demande de mobilité, pour un prix abordable et de manière fiable. A notre grand étonnement, notre service de livraison de plats cuisinés UberEATS a engendré la création de nouveaux restaurant­s. A Brooklyn, des enseignes moribondes ont par exemple ouvert des laboratoir­es uniquement dédiés à la vente de repas à domicile ou au bureau, en complément de leur activité existante.

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AMIT SINGH

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