Quand la dame mate le fou
Au nom de la supériorité de l’homme sur la femme, un champion de tennis défie une championne – et se fait battre. «La Bataille des sexes» revient sur ce match de tennis qui, en 1973, a contribué faire progresser la cause des femmes
Trois semaines après Borg/McEnroe, qui mythifie la rivalité du très cool Björn Borg et de l’irascible John McEnroe durant les années 80, un nouveau film consacré à la geste tennistique arrive sur les écrans. La Bataille des sexes revisite le match qui, en 1973, opposa Billy Jean King, 30 ans, numéro 1 mondiale, à Bobby Riggs, 55 ans.
Machiste et provocateur, cet ex-champion mondial retraité depuis près de vingt ans méprise le tennis féminin, «inférieur à celui des hommes». En mai 1973, il assène la preuve de la suprématie masculine en battant Margaret Smith. Le 20 septembre de la même année, il cherche à récidiver face à Billie Jean King. Désigné comme la «Bataille des sexes» («The Battle of the Sexes»), le match se déroule à l’Astrodome de Houston devant 30000 spectateurs et 50 millions de téléspectateurs. Le fanfaron mord la poussière (6-4 6-3 6-3). Cette victoire de la finesse sur la force a joué un rôle important dans la reconnaissance du sport féminin et dans la popularité du tennis.
Aujourd’hui oublié, l’événement revient au cinéma devant la caméra de Jonathan Dayton et Valerie Faris. Ce couple a décroché la timbale avec un premier long-métrage, Little Miss Sunshine, puis signé Elle s’appelle Ruby.
«Féministe velue»
La Bataille des sexes démarre sur les chapeaux de roue. Billy Jean King (l’adorable Emma Stone, qui planque ses yeux de batracien sous des lunettes cerclées de fer très seventies) déboule comme une furie dans un club réservé aux hommes. Jack Kramer (Bill Pullman), promoteur de tournées professionnelles, y sirote un whisky. L’irruption des tenniswomen l’amuse plus qu’elle ne l’importune. Il a tort. Excédées de toucher huit fois moins que les hommes par match (1500 dollars contre 12 000 dollars…) – car les tennismen sont plus intéressants à regarder, «c’est biologique» –, elles s’émancipent de la tutelle mâle pour fonder leur propre ligue.
Cette insurrection agace Bobby Riggs (le formidable Steve Carell) et le pousse à lancer son offensive anti-féministe. D’abord réticente, Billy Jean (elle n’a pas de lien avec le tube de Michael Jackson) relève finalement le défi que le «sale macho» lance à la «féministe velue»…
Frasques phallocratiques
Le film revendique sans ambages son statut de feelgood movie. Impeccablement structuré, il respecte toutes les péripéties du genre, les phases de découragement, les brouilles et les réconciliations, jusqu’à l’apothéose. Il n’omet pas la touche morale en opposant le travail de fourmi de Billy Jean aux excentricités de cigale de Bobby, grande gueule à tendance infantile qui dispute des matches déguisé en pastourelle parmi les moutons ou pose nu avec sa raquette.
Sous le couvert de la comédie, le produit garanti pur sucre prend position. Par-delà les frasques phallocratiques de Bobby Riggs, une pointe satirique épingle le sport-spectacle et la toute-puissance des sponsors. La révolution sexuelle et la libération féminine sont célébrées. Billy Jean noue une «amitié particulière» avec une jeune coiffeuse (Andrea Riseborough), dont elle envie l’indépendance; elle redoute le qu’en-dira-t-on et craint de faire de la peine à son fiancé – un beau personnage qui comprend, pardonne et sait s’effacer. La Bataille des sexes se pose in fine en plaidoyer pour la différence et la tolérance, deux belles conquêtes des seventies.
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Cette victoire de la finesse sur la force a joué un rôle important dans la reconnaissance du sport féminin et dans la popularité du tennis