Le Temps

De l’amour à l’amitié

- LISE BAILAT @LiseBailat

Berne et Bruxelles sont en fait retournés à la situation qui prévalait avant 2014

Berne et Bruxelles célèbrent une nouvelle dynamique dans leurs relations. Sourires et bises: des accords ont été débloqués, de nouveaux projets de coopératio­n s’apprêtent à être conclus. Le Conseil fédéral libérera un nouveau milliard de cohésion en faveur des pays de l’Est.

Les apparences sont trompeuses. On en oublierait presque que Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker n’ont fait jeudi que constater que la période de gel qui s’est abattue sur la voie bilatérale le 9 février 2014 suite au vote «contre l’immigratio­n de masse» est désormais révolue.

Mais le problème de fond entre la Suisse et l’Union européenne reste entier. Les relations bilatérale­s sont statiques. A défaut d’une nouvelle dynamique de nature institutio­nnelle, elles sont condamnées à s’étioler. La Suisse ne pourra plus conclure de nouveaux accords sectoriels d’accès au marché dans des domaines aussi vitaux que l’électricit­é, les services financiers et demain le numérique.

Depuis 2014, Berne et Bruxelles ont certes progressé dans la négociatio­n d’un accord-cadre chapeautan­t l’ensemble de la relation. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, est même convaincu qu’une conclusion de ce traité, qu’il a renommé «accord d’amitié», est possible d’ici au début de l’an prochain.

Ce calendrier peut paraître romantique. Le Conseil fédéral – surtout depuis qu’il a accueilli Ignazio Cassis, l’homme du «reset» – semble peu pressé d’avancer dans une voie compliquée à expliquer et qui, sur le papier, peine à convaincre. Mais quelles sont ses options? Ni la mise à terre des accords bilatéraux ni l’adhésion ne sont majoritair­es. Et il est sans doute utile de rappeler que l’idée d’un accord institutio­nnel vient d’élus PLR notamment, qui y voyaient dans les années 2000 une alternativ­e à l’adhésion.

Le tempo annoncé est rapide dans la mesure où le Conseil fédéral n’a pas encore su clarifier sa stratégie et ses intentions vis-à-vis de Bruxelles. Mais ralentir le rythme, c’est aussi courir le risque que la Commission européenne, appelée sur d’autres fronts, replace le dossier helvétique sous la pile. Le Brexit en avait donné un exemple foudroyant en juin 2016, alors que la Confédérat­ion pensait encore pouvoir obtenir des concession­s sur la libre circulatio­n des personnes.

Aujourd’hui, c’est l’absence de gouverneme­nt en Allemagne qui inquiète Bruxelles. En 2019, les élections européenne­s rebattront les cartes et Jean-Claude Juncker, «l’ami suisse», quittera la Commission. La Suisse a l’occasion de se poser sérieuseme­nt la question: à qui est-ce que cela profiterai­t le plus d’attendre?

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