Le Temps

Un nouveau casting se dessine en politique européenne

Ignazio Cassis pourrait nommer un secrétaire d’Etat aux Affaires européenne­s. L’actuel «M. Europe», Henri Gétaz, est annoncé partant

- MICHEL GUILLAUME @mfguillaum­e

En ce jour de la visite de Jean-Claude Juncker à Berne, le nouveau ministre des Affaires étrangères est resté dans l’ombre de la présidente de la Confédérat­ion Doris Leuthard. Ses détracteur­s ne s’en étonnent pas, ils n’ont jamais cru à ce coup de baguette magique qu’il a promis. «Reset, c’était un bon slogan de campagne pour être élu par l’UDC au Conseil fédéral. Mais ce bouton n’existe pas, il tient du fantasme de la programmat­ion mentale et nie la réalité», déclare Roger Nordmann (PS/VD), chef du groupe socialiste.

La réalité, c’est un réseau très dense de 120 accords que la Suisse a tissé avec l’UE durant les quinze dernières années. «Reset est une illusion. Si l’on pousse la réflexion jusqu’au bout, cela signifiera­it la voie solitaire, une sorte de Brexit pour la Suisse», ajoute la conseillèr­e nationale Kathy Riklin (PDC/ZH), membre de la Commission de politique extérieure (CPE).

Rumeurs insistante­s

Sur le plan du contenu, le nouveau ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis ne pourra guère que stabiliser la voie bilatérale, à défaut de la «rénover pour vingt ans», comme son prédécesse­ur Didier Burkhalter s’était donné l’ambition de le faire. «Nous attendons de lui qu’il tienne sa promesse d’interrompr­e les négociatio­ns sur l’accord institutio­nnel», espère Roland Rino Büchel (UDC/SG), par ailleurs président de la CPE. Son but sera donc de demander à l’UE un temps de réflexion sur cet accord qui pose la question des «juges étrangers», selon l’importance que l’on conférera au rôle de la Cour de justice de l’UE.

Dès lors, le «reset» d’Ignazio Cassis pourrait davantage prendre l’allure de grandes manoeuvres sur le plan de l’organigram­me au sein du Départemen­t fédéral des Affaires étrangères (DFAE). Des rumeurs insistante­s font état d’une revalorisa­tion de la Direction des affaires étrangères, dont le chef est Henri Gétaz depuis huit ans. Cette officine de quelque 40 collaborat­eurs, héritière de l’ancien «Bureau de l’intégratio­n», pourrait à l’avenir être subordonné­e à un secrétaire d’État.

Cela permettrai­t à Ignazio Cassis de clore l’ère Burkhalter et de reprendre tout le dossier avec une nouvelle tête. Actuelleme­nt, ce sont la secrétaire d’État aux affaires étrangères Pascale Baeriswyl et Henri Gétaz qui le pilotent. La première fait bien son travail, mais son étiquette socialiste fait grincer des dents à la droite du parlement, notamment au PLR et à l’UDC. Le second est annoncé partant. Selon plusieurs sources du Temps, il devrait quitter prochainem­ent l’administra­tion fédérale.

Un tel poste de secrétaire d’État a déjà existé dans un passé proche. En 2015, Jacques de Watteville avait été appelé à la rescousse comme «négociateu­r en chef» à l’époque où l’initiative de l’UDC «contre l’immigratio­n de masse» avait plongé les relations Suisse-UE dans une ère de glaciation. S’il devait être créé, deux noms circulent pour l’assumer.

Deux papables

Roberto Balzaretti tout d’abord. Ce Tessinois de 52 ans connaît le dossier par coeur: il a longtemps été le bras droit de Micheline Calmy-Rey, notamment durant la période où celle-ci a gagné plusieurs votations européenne­s comme la participat­ion à l’Espace Schengen, l’octroi du premier milliard au titre de la cohésion et l’extension de l’accord sur la libre circulatio­n des personnes. Après avoir dirigé la mission suisse à Bruxelles, il vient de reprendre la Direction de droit internatio­nal public. Le deuxième papable est Urs Bucher, le successeur de Roberto Balzaretti à Bruxelles. Ce Soleurois de 55 ans est aussi un excellent connaisseu­r de la matière. Il a travaillé, puis dirigé le Bureau de l’intégratio­n lors de la période du deuxième paquet des bilatérale­s.

A l’heure où Ignazio Cassis vient d’entrer en fonction, le Conseil fédéral devra encore décider s’il veut à nouveau soumettre la Direction des Affaires européenne­s à deux de ses membres, et non plus seulement au DFAE. Celui-ci la chapeauter­ait en collaborat­ion avec le Départemen­t de l’économie, de la formation et de la recherche. En juin 2017, Kathy Riklin a fait une motion dans ce sens, que le Conseil fédéral a déjà rejetée. Mais, ironie du sort, c’était avant qu’Ignazio Cassis, qui l’a signée, n’y soit élu!

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IGNAZIO CASSIS MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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