Le Temps

Florian Favre prend la légèreté au sérieux

- ARNAUD ROBERT

Le pianiste fribourgeo­is vernit son nouveau disque en trio au CityClub de Pully

Le toucher étouffé, préparé, la langueur élégante, Florian ouvre sans qu’on s’en rende compte son nouvel album. Il a obtenu une bourse de mobilité qui l’emmène partout, jusqu’à La Nouvelle-Orléans, et cela se sent. Dans une époque dont on dit qu’elle respire la fin, qu’elle porte le poids cumulé de ses anxiétés, le Fribourgeo­is croit que son piano jouit d’une âme légère. Dès la première pièce, dès «Nanomélie», on sait que ses compositio­ns éclairent le monde non pas avec l’air béat des positivist­es mais avec l’énergie d’une calme distance.

On avait beaucoup écouté son disque précédent, Ur, nourri des terres traversées, de New York, du classique, de l’envie bruissante de créer un son durable de trio. Il y avait dans cette musique quelque chose de la culture académique soumise à l’urgence du doute et du transport. Avec le batteur Arthur Hnatek (repéré chez Tigran Hamasyan, aimé chez Erik Truffaz), Florian Favre disposait d’une force rythmique iconoclast­e, mélodique en diable, un type qui le poussait sur scène dans des batailles poétiques dont on se souvient encore.

Pour On a Smiling Gust of Wind, Florian Favre a gardé son bassiste Manu Hagmann, lui aussi un Romand aux airs larges, dont on a entendu le très beau groupe modal au récent festival Jazz Onze Plus. Mais il a changé de batteur, jeune tapageur français, Arthur Alard, qui semble connaître autant les timbres mats de la pop que l’intensité frénétique d’un «ride» maîtrisé; il est brillant dans le binaire concassé de «Flagile», comme dans les gifles swinguées de «Manu».

Il appuie là où ça fait du bien

Ce nouveau trio appuie exactement là où ça fait du bien. Florian Favre est passé par le hip-hop et ne considère donc pas que l’attention du public est un acquis et même un devoir rendu au musicien. Pour le pire: il raconte souvent de très longues blagues sur scène. Pour le meilleur: sa musique va chercher, même dans ses repos, même dans son impression­nisme ravélien ou sa fascinatio­n pour les compositeu­rs russes, la clarté d’un chant.

Il faut encore dire un mot de ce piano. On voit tellement Florian Favre, avec son sourire, ses cheveux rasés, cette façon d’être accessible et de ne laisser qu’à la musique son mystère, qu’on oublie parfois à quel point il connaît son métier. Dans son obsession pour les cellules répétées, la transe induite (quelque chose d’Ahmad Jamal dans la main gauche), il n’oublie pas l’histoire qu’il raconte. Dans «She Just Is», ce thème qui concentre les intentions du disque entier, Favre dresse son autoportra­it en prodige amoureux.

Florian Favre Trio en concert, sa 25 novembre à 21h, CityClub, Pully. www.cityclubpu­lly.ch

Florian Favre Trio, «On a Smiling Gust of Wind» (Traumton).

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