Le Temps

Le successeur de Mugabe hérite d’une économie en lambeaux

- RAM ETWAREEA @ram52

Le nouveau président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa a prêté serment vendredi à Harare. Sa priorité sera de lutter contre le chômage qui frappe 90% des adultes du pays.

Emmerson Mnangagwa a prêté serment vendredi dans la capitale zimbabwéen­ne. Il promet de lutter contre le chômage, de relancer les activités minières et de dédommager les grands fermiers dont les terres avaient été saisies au début des années 2000

Les négociants en métaux ont suivi l'évolution des prix du platine de près ces derniers jours. En cause, le bouleverse­ment politique au Zimbabwe, troisième producteur mondial de cette matière indispensa­ble à la fabricatio­n de moteurs automobile­s. «En fin de compte, il n'y a pas eu de mouvement brusque des prix parce que les industriel­s ont constitué des réserves pour faire face aux difficulté­s imprévues d'approvisio­nnement», explique Nitesh Shah, directeur de recherches matières premières chez ETF Securities.

Le prix n'a pas bougé aussi parce que la transition – la fin de trente-sept ans de règne de Robert Mugabe – s'est passée sans heurts majeurs et l'activité des mines n'a pas été touchée. Pour Nitesh Shah, le Zimbabwe a un large potentiel de croissance. «Il a désormais la possibilit­é d'augmenter sa production et sa part du marché (8%)», poursuit-il. L'Afrique du Sud reste toutefois de loin le plus grand fournisseu­r mondial (80%), devant la Russie (10%).

Lors de son discours d'intronisat­ion vendredi, le nouveau président zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa, n'a pas manqué de souligner que le nouveau pouvoir allait désormais réorganise­r l'économie, notamment revoir le fonctionne­ment des activités minières et agricoles. Il a annoncé qu'il dédommager­ait les fermiers blancs qui avaient été expulsés de leurs propriétés manu militari au début des années 2000. Il s'est aussi engagé à protéger les investisse­urs étrangers. «Dans ce monde global, aucune nation n'est, ne peut ou ne doit être une île», a relevé le nouveau président.

Tâche herculéenn­e

En effet, c'est une tâche herculéenn­e qui attend Emmerson Mnangagwa. La presse internatio­nale qui s'est déplacée durant cette semaine historique à Harare, la capitale zimbabwéen­ne, témoigne d'une situation de grande misère. Les retraits bancaires sont limités à 20 dollars par jour et, pour accéder aux guichets, les clients doivent attendre durant de longues heures. Des milliers des familles s'entassent dans des ghettos et n'ont aucune perspectiv­e ou se débrouille­nt dans l'économie informelle. Des chiffres officieux font état d'un taux de chômage de 90%.

Dans les années 1990, l'Etat a eu recours à la planche à billets pour financer ses dépenses, entraînant une hyperinfla­tion. En 2009, le gouverneme­nt a adopté le dollar américain et le rand sud-africain pour lutter contre la hausse des prix. Fin 2016, il a introduit une nouvelle monnaie en forme d'obligation pour ralentir la fuite des capitaux.

L’ami chinois

Face à la descente aux enfers, le pays a fini par renouer avec les institutio­ns multilatér­ales, notamment le FMI. Qui y intervient contre un programme de réformes. Selon son dernier rapport sur le pays qui date de juillet 2017, le taux de croissance pour cette année s'élèvera à 2,8% et l'inflation à 2,5%. Maxwell Mkwezalamb­a, son directeur régional, affirme que l'économie zimbabwéen­ne est dans un piteux état à cause tant d'une désastreus­e gestion publique que de mauvaises conditions climatique­s et des bas prix des produits d'exportatio­n. Dans une note publiée par le FMI, il fait remarquer que les autorités du pays sont désormais consciente­s des défis et mettent en place des mesures pour remettre l'économie sur les rails.

Si les Etats-Unis et l'Union européenne ont pris leurs distances avec le Zimbabwe, la Chine a joué un rôle de premier plan dans la survie du régime. Dès les années 1960, Pékin était aux côtés de Robert Mugabe et de ses camarades d'armes dans la lutte pour la décolonisa­tion de la Rhodésie du Sud. Alors que Londres n'a pas respecté l'accord de Lancaster (avril 1980) qui prévoyait une réforme agraire et un dédommagem­ent en vue d'une redistribu­tion des terres, les Chinois, eux, ont multiplié leurs aides.

Au fil des années, la Chine est devenue le premier partenaire économique et commercial du Zimbabwe par le biais tant de programmes d'aide publique que d'investisse­ments privés. Une centaine d'entreprise­s chinoises ont pignon sur rue. Le quotidien français Le Monde donne l'exemple de R & F, qui a annoncé en début d'année des investisse­ments de 2 milliards de dollars pour reprendre Zisco, la plus grande entreprise de fer et d'acier du pays. Le journal affirme que Pékin a fini par lâcher son protégé Robert Mugabe afin de sauvegarde­r ses intérêts. Désormais, la Chine apporte son soutien au nouvel homme fort.

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(MARCO LONGARI/AFP)

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