Milliard de cohésion: la division à tout prix
La photo, choquante, a fait le tour des médias. Elle montre la prise en otage, au coeur de Berne, de la présidente de la Confédération par le président de la Commission européenne. Au cours de cette opération commando, habilement dissimulée par un échange de bises, une rançon a été versée: 1,3 milliard de francs suisses.
Voilà le tableau confinant au délire que l’UDC a essayé de dépeindre après la rencontre, la semaine passée, entre Doris Leuthard et Jean-Claude Juncker. Hormis le goût douteux de la métaphore, cette salve était en fait surtout rhétorique, un tour de chauffe pour la campagne sur l’initiative dite contre les juges étrangers, qui sera elle-même le carburant du parti en vue des élections fédérales de 2019. Car sur le fond, la violence de la réaction contre la décision de contribuer au développement des pays les plus pauvres de l’Union européenne est difficile à justifier. En effet, le Conseil fédéral veut exporter le modèle suisse de formation professionnelle – modèle, soit dit en passant, que le parti en question ne cesse de vanter – pour encourager la croissance économique et l’emploi des jeunes. Le gouvernement y ajoute des mesures pour améliorer la gestion des migrations et, explicitement, les faire diminuer. Que font les patriotes autoproclamés? Ils crient au scandale, au prétexte que ça ne serait pas le bon moment, ou pas la bonne méthode.
En même temps, ils abattent une partie de leurs cartes. Au-delà de la question de savoir comment, précisément, se règlent nos relations avec l’UE – accord-cadre, bilatérales III ou autre chose encore – l’UDC ne souhaite simplement pas voir se rapprocher les niveaux de salaire, de formation ou de protection sociale au sein du continent européen. Par crainte, sans doute, de voir se tarir à la fois la source de main-d’oeuvre bon marché et celle d’un ressentiment contre les travailleurs étrangers qu’elle alimente avec zèle. En politique étrangère comme en politique intérieure, la division est, tout simplement, un meilleur carburant électoral. En réalité, si les opposants au nouveau milliard de cohésion ont un problème, ce n’est pas avec le milliard. C’est avec la cohésion. La seule prise en otage que nous devons donc éviter est celle du débat sur nos relations avec l’Union européenne par un parti qui ne souhaite surtout pas y trouver d’issue.
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