Le Temps

Le Club suisse de la presse dans la tourmente syrienne

- STÉPHANE BUSSARD @BussardS

JOURNALISM­E Le CSP a maintenu une conférence controvers­ée sur les casques blancs syriens malgré l’appel à l’annuler de Reporters sans frontières. Son directeur est de plus en plus critiqué pour son manque de transparen­ce

Le Club suisse de la presse (CSP) dans la tourmente en raison de la Syrie? L’équation paraît incongrue. Mardi à la Pastorale à Genève, le CSP a organisé une conférence intitulée: «Ils s’en fichent de nous: le vrai agenda des casques blancs». Dans la salle, peu de journalist­es, mais beaucoup de participan­ts acquis à la critique des médias traditionn­els.

La polémique autour des casques blancs n’est pas nouvelle. L’ONG humanitair­e pressentie pour le Prix Nobel de la paix 2016, dont les volontaire­s sont considérés comme des héros par l’opposition en raison de leur courage pour extraire des victimes des gravats causés par les bombardeme­nts, est dépeinte comme un repaire de terroriste­s par le président syrien, Bachar el-Assad.

Hier, le CSP a présenté un film réalisé par la chaîne russe RT. Le reportage, très critique, décrit l’ancien siège des casques blancs et montre un mortier, des douilles jonchant le sol comme autant de preuves de l’implicatio­n dans la guerre de ces humanitair­es financés notamment par l’Occident. Vanessa Beeley cite un ex-agent de la CIA pour affirmer que les casques blancs ont activement participé aux massacres qui ont dévasté la Syrie. Le film favorable qui leur a été consacré sur Netflix, avance-t-elle, «n’est qu’une pure fiction». Dans le panel, aucune contestati­on de cette vision des choses. «Il faut donner la parole à toutes les tendances», se justifie le directeur du CSP, Guy Mettan.

Autre intervenan­t, le journalist­e français Richard Labévière dénonce le manichéism­e de ces journalist­es (de Libération et du Monde) qui s’évertuent à dépeindre un côté comme le camp du bien et l’autre comme celui du mal. Il rappelle que l’histoire regorge d’exemples où des ONG ont été manipulées par l’Occident, comme Femen, ou celles, financées par le milliardai­re américain George Soros, qui étaient actives dans les révolution­s d’Ukraine ou de Géorgie.

Une «soi-disant journalist­e»

La conférence sur les casques blancs aurait pu être annulée. Dans une missive datée du 23 novembre, RSF, membre du CSP, a écrit: «Nous nous dissocions totalement de cet événement et ne souhaitons en aucune manière être associés à une conférence qui accueille une soi-disant journalist­e, Madame Vanessa Beeley, qui justifie l’utilisatio­n de la torture par le régime syrien afin de le préserver. Quand bien même elle n’a jamais été publiée dans un média indépendan­t, il est étonnant qu’elle soit référencée au moins deux cents fois dans les médias russes de propagande. (Sputnik News et Russia Today).»

Au nom de la liberté de la presse, Guy Mettan remballe RSF et maintient l’événement. Il reste que ses positions prorusses en tant que responsabl­e d’un club de la presse et surtout son manque de transparen­ce sur les intervenan­ts font de plus en plus jaser. Ce d’autant plus que ce député au Grand Conseil a reçu, voici quelque temps, la médaille de l’Ordre de l’amitié de la Russie. Guy Mettan balaie ces critiques: «C’est un non-sujet. En vingt ans, j’ai organisé 2300 conférence­s. Seules 15 étaient sur la Russie et 12 donnaient la parole à des opposants de Poutine. Je n’ai jamais subi de telles pressions en quarante ans de carrière. Normalemen­t, de telles choses ont lieu dans des Etats autoritair­es.» Preuve du climat délétère autour du CSP, les autorités ont dépêché des agents de sécurité à la Pastorale pour veiller au bon déroulemen­t de l’événement.

Contacté, le président de RSF Section Suisse, Gérard Tschopp, reconnaît avoir commis une erreur en demandant l’annulation de la conférence. Mais il ne regrette pas d’avoir mis le doigt sur le dysfonctio­nnement du CSP. «Le Club suisse de la presse ne peut pas offrir une pareille tribune à des propagandi­stes. Qu’ils soient pro-russes ou pro-américains, peu importe. Ce faisant, il porte préjudice à la Genève internatio­nale.» Le comité de RSF va décider s’il reste membre du CSP ou s’il démissionn­e. Le président du Conseil d’Etat genevois, François Longchamp, rappelle le contrat de prestation­s qui lie le CSP à l’Etat. A ses yeux, il incombe au comité du CSP, composé de journalist­es, de prendre les dispositio­ns qu’il juge nécessaire­s.

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