Le Temps

Benevento, dans la nasse du Calcio

Quatorze matches et quatorze défaites pour le petit club de Campanie, promu cet été en Serie A dans l’allégresse. L’«équipe Cendrillon» du football italien s’est muée en «Belle au bois dormant»

- LUCA ENDRIZZI

Après un mois sans victoire, l’Atalanta Bergame a retrouvé le sourire lundi soir en battant difficilem­ent le Benevento Calcio (1-0). Il faut dire que son adversaire est bien plus malade: après quatorze journées de Serie A, la petite équipe de Campanie n’a pas gagné le moindre point. Record absolu en Europe. Après une ascension fulgurante de la Lega Pro (la troisième série italienne) à la Serie A en deux saisons, les Gialloross­i du président Vigorito ont pratiqueme­nt déjà un pied en Serie B, malgré un grand enthousias­me des tifosis dans la pré-saison.

Voilà qui ne va pas redorer l’image d’un football italien encore sous le choc de la non-qualificat­ion de la Squadra à la Coupe du monde 2018 en Russie. Même dans la Botte, cela fait une bonne dizaine d’années que l’on a arrêté de dire que la Serie A était la plus belle ligue du monde. Le championna­t italien pourrait même passer pour l’un des plus ennuyeux, avec la Juventus qui est abonnée à la première place depuis la saison 2011-2012. Si l’équipe de Turin n’a plus de vrais adversaire­s, même si cette année pourrait être la bonne avec Naples, c’est aussi parce que la différence entre les équipes ne cesse d’augmenter.

Damiano Tommasi, président du syndicat des footballeu­rs italiens, l’avait souligné en août dans une interview au Temps: «Il y a trop de différence, au niveau du budget et donc de la force qu’on peut exprimer sur le terrain, entre grandes et petites équipes.» Dimanche, Benevento rencontrer­a l’AC Milan, qui vient de mettre Gennaro Gattuso sur le banc à la place de Vincenzo Montella.

Record historique battu!

Et pourtant, le Benevento Calcio avait entamé son calvaire dans l’enthousias­me de ses supporters, dont presque 10000 étaient devenus abonnés au prix de longues files d’attente sous le soleil d’été. Le cadeau que ces supporters zélés ont maintenant entre les mains, c’est le pire démarrage de saison de tous les temps sur le Vieux Continent. Le club, qui a comme blason une sorcière, a pourtant été, si on peut dire, «flatté» par ce record négatif qui lui permet d’effacer des livres d’histoire… Manchester United! Il est bien question d’histoire puisque les Red Devils avaient perdu les 12 premiers matches du Championna­t d’Angleterre lors de la saison 19301931.

Dans le football «moderne», ce genre de série ne devait pas exister. Après la neuvième défaite, le président du Benevento Calcio, Oreste Vigorito, a donc décidé de changer d’entraîneur et de limoger le héros de la promotion en Serie A, Marco Baroni. Les candidats à sa succession ne se sont pas bousculés et c’est finalement Roberto De Zerbi qui a récupéré la place. Pour s’empresser de déclarer: «Il faudrait un miracle pour sauver l’équipe de la relégation en Serie B, mais on va essayer de garder une lueur d’espoir.»

Eviter d’être la risée de l’Europe

Les supporters, qui commencent à comprendre que les footballeu­rs de leur équipe de coeur n’ont pas vraiment le niveau pour jouer en Serie A, ne savent plus à quel saint se vouer. Dans le stade dédié à Ciro Vigorito, frère de l’actuel président, apparaisse­nt des banderoles du type «Padre Pio sauve-nous!». Le maire de la ville, Clemente Mastella, politique de profession depuis plus de quarante ans, ancien ministre des gouverneme­nts de droite guidés par Silvio Berlusconi et de gauche par Romano Prodi, s’en est mêlé en critiquant le mercato: «On aurait dû acheter Pavoletti», a-t-il déclaré par exemple après la défaite contre Cagliari signée, dans les arrêts de jeu, par l’attaquant de l’équipe sarde.

Jusqu’ici, Oreste Vigorito ne l’a pas trop écouté. Mais le mercato d’hiver sera sa dernière occasion pour essayer de rehausser la qualité de son collectif. Il le faut, au moins pour éviter d’être la risée de l’Europe. Aussi mauvaise soitelle, toute équipe peut minimiser son cas et se réjouir: «Au moins, nous ne sommes pas le Benevento!» C’est ce qu’a déclaré l’excoach de l’Inter de Milan, Andrea Stramaccio­ni, aujourd’hui aux commandes du Sparta Prague. Cela lui a valu d’être traité de «crétin» par Clemente Mastella. Stramaccio­ni s’est par la suite excusé, en ajoutant qu’il ne voulait vexer personne et qu’il avait une grand-mère née à Cusano Mutri (village dans le départemen­t de Benevento) et une grande partie de sa famille dans la région.

Le maire Mastella, qui aime faire entendre sa voix quand il s’agit de causer football, un peu comme Silvio Berlusconi, a déclaré à la presse italienne: «Nos joueurs vivent dans une ambiance où la confiance manque. Les amis et les collègues se moquent souvent d’eux. Stramaccio­ni a fait une comparaiso­n débile et inacceptab­le.» Sauf que, désormais, le Benevento Calcio est devenu le mouton noir du football italien.

L’ironie des supporters

Le conte de fées est en train de virer au cauchemar, comme si plus d’une sorcière s’était penchée sur le berceau du promu. En Italie, la dernière équipe du classement est communémen­t surnommée Cendrillon. «Nous ne sommes pas la Cendrillon de la Serie A mais la Belle au bois dormant!» ironisent certains supporters, dans l’attente du réveil.

Le club, qui a comme blason une sorcière, a été, si on peut dire, «flatté» par ce record négatif qui lui permet d’effacer des livres d’histoire… Manchester United!

 ?? (FRANCESCO PECORARO/GETTY IMAGES) ?? Après une ascension fulgurante de la Lega Pro à la Serie A, en deux saisons, Benevento a pratiqueme­nt déjà un pied en Serie B.
(FRANCESCO PECORARO/GETTY IMAGES) Après une ascension fulgurante de la Lega Pro à la Serie A, en deux saisons, Benevento a pratiqueme­nt déjà un pied en Serie B.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland