Le Temps

Tolérance zéro pour le harcèlemen­t

- STÉPHANE BENOIT-GODET @SBenoitGod­et

La parole se libère en Suisse aussi. Alors que le séisme provoqué par l’affaire Weinstein produit des remous jusqu’à Berne, nous vivons aujourd’hui ce que bien des pays ont connu ces deux derniers mois.

D’abord, c’est la stupéfacti­on quand les témoignage­s affluent. Tout ce que nous prenions pour établi ne l’est pas. L’égalité homme-femme est une vaste supercheri­e. Entendre en 2017 des femmes politiques vous expliquer à quoi elles sont exposées sous la Coupole et, en même temps, pourquoi elles préfèrent se taire plutôt que de courir le risque de se retrouver hors jeu, montre à quel point le système politique fédéral les a prises en otage. Ce qui leur est proposé est somme toute assez simple. Soit tu restes et tu acceptes les règles définies par des hommes qui peuvent te harceler en toute impunité, soit ta carrière s’arrête.

Ensuite, c’est la nécessaire lutte contre les courants contraires. Ce sont notamment tous ces participan­ts au jeu politique, médias compris, qui minimisent, relativise­nt et banalisent. Comme ces observateu­rs qui, en France ou aux EtatsUnis, ont tenté d’expliquer que les hommes avaient des pulsions incontrôla­bles. Ou que le jeu de la séduction faisait partie de la vie d’une assemblée politique. Rappelons que pour mettre un terme aux premières, l’éducation fait des miracles. Et que si l’on veut que tout le monde participe au second, les règles doivent être les mêmes pour tous, hommes ou femmes.

Aujourd’hui au parlement fédéral, des femmes ne vont pas à des séances de commission­s parce qu’il y a un collègue collant qui ne peut pas s’empêcher de les tripoter. C’est une atteinte à l’intégrité physique et psychologi­que d’une personne. Mais aussi une atteinte au fonctionne­ment normal de la démocratie.

Ceux qui reprochent aux médias de publier des témoignage­s anonymes feraient bien de revoir leur point de vue sous l’angle de l’intérêt public. Faut-il taire ce que disent ces femmes, qui parfois même se rétractent après s’être confiées, de peur d’être reconnues? Au risque d’empêcher le législateu­r de travailler en toute sérénité? Au risque de cautionner l’omerta?

Hier, pour la première fois depuis l’affaire Weinstein, c’est une politicien­ne de droite, Céline Amaudruz, qui a décidé de rendre publique son agression par un de ses collègues parlementa­ires. Une UDC en héroïne courageuse de la cause féministe? L’époque a décidément changé, et c’est tant mieux si elle permet de faire sauter des verrous installés depuis trop longtemps.

L’égalité hommefemme est une vaste supercheri­e

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