Le Temps

Donald Trump twitte et se met le Royaume-Uni à dos

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

Le président américain a provoqué de vives réactions au Royaume-Uni en postant des vidéos d’un groupuscul­e britanniqu­e extrémiste

Donald Trump a provoqué jeudi un tollé d’indignatio­n au Royaume-Uni, s’en prenant directemen­t à Theresa May par l’intermédia­ire de Twitter. Il a tancé publiqueme­nt l’une de ses plus proches alliées, dans une séquence diplomatiq­ue qui aurait semblé inimaginab­le il y a un an.

L’affaire a démarré mercredi. Donald Trump retwitte alors trois vidéos mises en ligne par Jayda Fransen, numéro 2 de Britain First. Les extraits sont censés dénoncer des exactions commises par des musulmans, mais ils sont sortis de leur contexte: des fake news, comme dirait le président américain. L’un montre une violente agression aux Pays-Bas, affirmant que le délinquant est un «immigrant»: les autorités néerlandai­ses ont démenti, soulignant que l’agresseur était né aux Pays-Bas. Un autre est une scène d’émeutes très violente en Egypte lors du renverseme­nt du président Morsi. La troisième est une vidéo de propagande de Daech.

Pire encore, Britain First est un groupuscul­e islamophob­e particuliè­rement extrême. Il organise parfois des «patrouille­s chrétienne­s», vidant des canettes de bière devant les mosquées ou envahissan­t les lieux de culte musulmans. Inévitable­ment, le porte-parole de Downing Street a estimé qu’il était «mal» de retwitter ces messages.

Mais Donald Trump n’est pas du genre à laisser passer l’occasion d’une joute verbale. Jeudi aux aurores, il a fait monter la pression d’un cran: «Theresa May, ne vous concentrez pas sur moi, concentrez-vous sur le Terrorisme Islamique Radical qui se passe au Royaume-Uni. Nous, on va bien!» En clair, le président américain rappelle qu’il y a eu beaucoup d’attentats au Royaume-Uni cette année et que Theresa May ferait mieux de s’occuper de ses affaires. Au passage, au lieu d’envoyer le message sur Twitter à la première ministre britanniqu­e (@theresa_may), il l’a dirigé dans un premier temps vers une mère de famille inconnue, Theresa May Scrivener (@theresamay).

L’attaque frontale du président américain a provoqué un torrent de condamnati­ons. Donald Trump «reprend à son compte les opinions d’une organisati­on ignoble et raciste, qui hait les gens comme moi», s’insurge Sajid Javid, un ministre. «C’est incompréhe­nsible [venant] du président de notre plus proche allié», ajoute Sadiq Khan, le maire de Londres. Un débat d’urgence a été organisé à la Chambre des communes. Theresa May a répondu elle-même, en marge d’une visite en Jordanie: «Quand nous pensons

Au lieu d’envoyer son tweet à la première ministre britanniqu­e, Trump l’a d’abord dirigé vers une mère de famille inconnue, Theresa May Scrivener

que les Etats-Unis se trompent, nous n’avons pas peur de le dire […]. Il est clair que retwitter [ces messages] de Britain First était une erreur.»

La passe d’armes embarrasse cependant la première ministre britanniqu­e, qui était la première cheffe de gouverneme­nt étranger à rendre visite à Donald Trump à la Maison-Blanche. Elle l’a aussi invité à une visite d’Etat, où la reine doit le recevoir en personne, avec tout le faste du protocole.

Les appels à annuler cette invitation se sont multipliés ce jeudi. Theresa May a décidé pour l’instant de la maintenir. Mais le président américain aura réussi à embarrasse­r l’une de ses plus proches alliées.

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