Le Temps

Pas contre l’armée mais pour le service civil

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Dans sa chronique «Pour le service civil ou contre l’armée?», Mme Miauton livrait la semaine dernière une lecture tronquée de l’histoire pour dénoncer «la contagion» du service civil. La fédération du service civil Civiva, qui représente les intérêts des civilistes et des établissem­ents où ils sont affectés, ne rejette ni le principe de l’obligation de servir, ni celui d’une armée citoyenne. Il faut être déclaré apte au service militaire pour accéder au service civil. Si l’on fait du service civil un repoussoir, alors de nombreux conscrits se feront déclarer inaptes à tout service pour des raisons médicales. C’est donc faire fausse route que de s’attaquer à l’objection de conscience pour appeler à garantir la crédibilit­é de l’armée.

Rappelons-le, en 1992 le service civil pour les objecteurs était plébiscité par 82,5% des votants et tous les cantons. Auparavant, ils étaient soumis à des peines carcérales et des interdicti­ons de profession­s dans l’éducation. On craignait «une contaminat­ion» des moeurs par ces effrontés prêts à s’exposer à la justice militaire qui exerce un pouvoir singulier. La chute du Mur bouscule la géopolitiq­ue et le recrutemen­t des conscrits. L’invasion n’effraie plus. On honnit les bunkers et les toblerones. Le mythe du réduit national s’estompe. Les réformes de l’armée se succèdent alors et on réduit implacable­ment les effectifs.

En 2009, coup de tonnerre, le parlement démantèle l’examen de conscience d’admission au service civil. Pourquoi? Deux coups font mouche. D’abord, les membres de la commission chargée d’examiner les conflits de conscience se prononcent pour sa suppressio­n. Ils s’avouent incapables de circonscri­re objectivem­ent la conscience et renoncent à rivaliser avec Descartes, Sartre et Freud. Ensuite, le législatif découvre que cette commission, qui a admis 97% des conscrits ayant eu le courage d’énoncer leurs conviction­s, a un coût. Economiser entre 1 et 2 millions de francs par an en supprimant une mesure bureaucrat­ique remporte l’adhésion. Comme les objecteurs concèdent effectuer un service civil 1,5 fois plus long que le militaire, on parle désormais de «preuve par l’acte».

Depuis, on se fait moins déclarer inapte à tout service pour d’obscures raisons et on rejoint plus simplement le service civil. On passe de 1600 civilistes en 2008 à une tendance autour des 6200 par an. Il n’y a pas d’augmentati­on constante comme on l’a soutenu. L’armée prétend qu’il lui manque 2000 hommes, sans rapprocher ce nombre des 140000 soldats qu’elle veut mobiliser en cas d’invasion. Le Conseil fédéral déclare, confus, que le service civil est l’un des facteurs qui pourraient amoindrir les effectifs à long terme. Il réduit son attractivi­té. On sonne la charge d’abord contre ces recrues formées et ces officiers qui offusquent la hiérarchie en allant au service civil.

Pour éviter ces départs et une meilleure planificat­ion des effectifs, pourquoi ne pas améliorer le système au lieu de réduire l’attractivi­té du service civil? Il s’agit de revoir les systèmes d’informatio­n sur l’obligation générale de servir. Les militaires s’arrogent en effet le monopole des journées d’informatio­n et le processus de recrutemen­t. Les soldats sont peu enclins à mentionner la preuve par l’acte, peinent à expliquer leurs missions et leur réponse aux périls 2.0. On distingue en outre mal la protection civile, cette aide en cas de catastroph­e, du service civil. Les transfuges qui quittent l’école de recrue le font trop souvent parce qu’ils découvrent le service de remplaceme­nt, prévu par la Constituti­on, et ses modalités. Ils réalisent qu’ils peuvent assumer leurs conviction­s et qu’il y a une alternativ­e. L’organe d’exécution du service civil devrait donc être impliqué et activement présenter le service civil. On s’épargnerai­t bien des transfuges et peut-être ce discours amer de regret de ne pas pouvoir retenir les recrues et rendre l’armée sexy.

Quant aux sombres arguments sur l’engagement militaire d’une valeur supérieure, les efforts physiques, du spéculatif ultime sacrifice pour la patrie, mesurons-les simplement à l’apprentiss­age parfois difficile de la proximité tangible de la mort qu’implique le service civil en EMS. Une proportion significat­ive de civilistes répond aux besoins d’accompagne­ment de notre population constammen­t vieillissa­nte. Ce soutien a une valeur ajoutée de service à la collectivi­té qui doit être préservée. Il en va aussi de la défense de valeurs helvétique­s.

Une proportion significat­ive de civilistes répond aux besoins d’accompagne­ment de notre population constammen­t vieillissa­nte

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