Le Temps

L’avenir de l’agricultur­e est local et digital

- BERNARD LEHMANN DIRECTEUR DE L’OFFICE FÉDÉRAL DE L’AGRICULTUR­E MANUEL SAGER DIRECTION DU DÉVELOPPEM­ENT ET DE LA COOPÉRATIO­N

L’agricultur­e est une source de revenu pour près de 3 milliards de personnes dans le monde. Chaque jour, elles travaillen­t afin de fournir les produits alimentair­es ou les matières premières nécessaire­s à notre alimentati­on. Même si toutes ne bénéficien­t pas des mêmes conditions de travail, leur objectif est le même: générer un revenu décent pour assurer un avenir à leurs enfants dans un environnem­ent naturel intact. Un objectif difficile à atteindre car les secteurs de l’agroalimen­taire et de l’agricultur­e font face à de grands défis.

D’ici à 2050, ce seront près de 10 milliards de personnes que la terre devra nourrir. Même si les systèmes de production ont beaucoup évolué et que l’agricultur­e est devenue plus productive, environ 2 milliards de personnes à travers le monde sont sous-alimentées et 815 millions d’entre elles souffrent de la faim, un chiffre en augmentati­on depuis 2015.

Malgré son engagement, l’agricultur­e moderne, n’est plus en mesure de produire et d’assurer la biodiversi­té dont elle était la source il y a un siècle. En dépit des avancées technologi­ques, elle laisse une empreinte négative dans l’environnem­ent qui dépasse ce que la population est prête à tolérer. La dégradatio­n des sols, surtout dans les zones touchées par les conséquenc­es du réchauffem­ent climatique, met en péril la production alimentair­e.

Dans la recherche de solutions, une part importante revient aux technologi­es numériques. Ces dernières ont souvent été plus accessible­s aux entreprise­s agricoles à tendance industriel­le. Les exploitati­ons paysannes – modèle favorisé par la population – doivent aussi pouvoir en bénéficier. La digitalisa­tion peut ouvrir de nouvelles perspectiv­es, aussi bien pour l’agricultur­e suisse que pour l’agricultur­e de pays en voie de développem­ent. Au travers de la coopératio­n internatio­nale de la Suisse, des agriculteu­rs en Ouganda ou au Zimbabwe ont désormais accès à de nouveaux marchés grâce à des smartphone­s et décident des prix auxquels ils vendront leur récolte. Plus proche de nous, la digitalisa­tion ouvre de nouvelles opportunit­és, par exemple pour réduire l’usage de produits phytosanit­aires ou dans la création de nouveaux modèles d’entreprise­s.

L’agricultur­e durable est l’une des clés du développem­ent durable. C’est pour cela que depuis plus de vingt ans, la Suisse place la durabilité et la préservati­on de la biodiversi­té au centre de sa politique agricole.

Avec l’évolution des habitudes alimentair­es, les produits locaux côtoient désormais les produits exotiques sur les tables. Pour préserver le lien entre agriculteu­r et consommate­ur, ces derniers ont un rôle important à jouer. Privilégie­r les circuits courts est l’une des solutions: cela permet d’un côté de diminuer les coûts mais également d’assurer la traçabilit­é. Du côté helvétique, comme le montre l’engouement pour les produits du terroir, l’agricultur­e doit être fière et encore mieux positionne­r ses produits synonymes de qualité sur les marchés.

Dans les pays en développem­ent, les petits producteur­s se retrouvent concurrenc­és par les produits issus des importatio­ns moins chères car subvention­nées. La production locale de tomates au Ghana doit par exemple rivaliser avec les importatio­ns bon marché en provenance de l’Union européenne. Les cultivateu­rs de cacao ne touchent aujourd’hui qu’environ 6% du prix dépensé en Allemagne pour une barre de chocolat. En 1980, cette part était trois fois plus élevée. Les petits producteur­s de cacao et leurs familles vivent souvent dans une grande pauvreté, et la nouvelle génération ne voit que peu d’avenir dans cette activité. Malgré des conditions de vie très différente­s, la position des agriculteu­rs dans la chaîne de production alimentair­e est fragile.

Tout comme le chocolat au lait suisse qui est l’exemple parfait de la complément­arité entre l’agricultur­e ici et l’agricultur­e là-bas, l’OFAG et la DDC travaillen­t ensemble afin d’atteindre l’un des objectifs du développem­ent durable: permettre à nos enfants de devenir la génération faim zéro.

La digitalisa­tion ouvre de nouvelles opportunit­és, par exemple pour réduire l’usage de produits phytosanit­aires

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland