Le Temps

CONCERT UNE TOUCHE DE MODERNITÉ À L’OSR

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

Impossible, la modernité, dans les programmes symphoniqu­es? Non. La preuve? Alors que l’OSR fête ses 99 ans ce 30 novembre, l’orchestre fondé par Ansermet renoue avec une de ses missions: s’inscrire dans son temps tout en arpentant le répertoire classique. Mercredi soir, le Victoria Hall était presque plein pour un programme entièremen­t dévolu aux XXe et XXIe siècles. Une gageure quand on connaît la moyenne de fréquentat­ion des soirées contempora­ines.

A l’affiche, donc, la modernité. Classique en première partie puisque Debussy, Stravinski et Bartók ouvrent les feux. Et de quelle manière! Sous le geste enrobant, solide et très «parlant» du compositeu­r Peter Eötvös (lire LT du 29.11.2017), l’orchestre se déploie. D’abord en phase d’adaptation, la Danse pour orchestre «Tarentelle styrienne» de Debussy prend du temps à se rassembler, entre quelques attaques imprécises ou polyrythmi­es un peu bancales. C’est que l’approche du chef ne donne pas dans l’irisation ou la transparen­ce, mais dans la chair du son, les effets de mouvements et d’affronteme­nts sonores.

Avec Le Chant du rossignol de Stravinski, on aborde les rives d’une véritable épopée, sculptée à brasle-corps dans un swing impression­nant. La narration est droite et avance dans un flux brûlant. Peter Eötvös fait tout entendre dans une masse orchestral­e compacte. Son oreille de compositeu­r valorise l’ensemble et les détails (les solos de flûte de Loïc Schneider et de trompette d’Olivier Bombrun, magnifique­s, ou les interventi­ons de Svetlin Roussev, un rien trop vib rantes).

Dans Le Mandarin merveilleu­x de Bartók, les rênes sont tenues serrées, les arêtes sont nettes et l’articulati­on claire. Tout pulse, les lignes chantent, les impulsions bousculent et le lyrisme du ton attise des instrument­s (superbe clarinette de Dmitry Rasul-Kareyev!) comme fondus dans la masse d’un métal lourd.

Avec Multiversu­m en deuxième partie, Peter Eötvös entraîne musiciens et public dans une odyssée spatiale où la vibration domine, de l’infra à l’ultrason. Captivante, la partition ouvre des espaces temporels à la fois dilatés et comprimés, entre les ondulation­s de l’orgue Hammond (Laszlo Fassang), les éclats virulents de l’orchestre réparti en trois «dimensions» et les piliers d’un univers sans fond: l’orgue (Iveta Apkalna).

OEuvre très spectacula­ire autant que spectrale, Multiversu­m pourrait être plus courte et moins affecter la sensibilit­é auditive. Mais ce serait l’éteindre et casser le rythme ternaire de cet hommage à Boulez, qui par trois fois entend trois petites cymbales antiques tinter à trois reprises pour clore chaque partie de l’oeuvre. Le diable est dans les détails…

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