Le Temps

UN «REQUIEM» TOUT NEUF

- PAR SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

Le jeune compositeu­r PierreHenr­i Dutron a réaménagé avec René Jacobs la célèbre messe des morts de Mozart. Un nouvel enregistre­ment témoigne de cette aventure

Ce qui frappe d’emblée, c’est la clarté. L’articulati­on nette et aérée de l’orchestre allégé. Le moelleux et l’allant du choeur ainsi que la limpidité de la prise de son. Une interpréta­tion de plus du fameux

Requiem de Mozart? Pas vraiment. Car si on doit l’«Introitus» à la seule main de Mozart, les parties chorales, des extraits d’orchestrat­ions, la basse continue et certaines lignes vocales ont été dessinés jusqu’au «Sanctus». A partir de cette dixième partie (sur quinze), c’est le noir.

Plus du tiers de l’oeuvre s’avère ainsi de diverses factures à travers les époques. On comprend que cette partition inachevée repré- sente un véritable casse-tête pour les musicologu­es.

Si l’oeuvre a traversé les siècles avec le succès que l’on sait, c’est beaucoup grâce à Franz Xaver Süssmayr. Le jeune compositeu­r, élève de Salieri, est un collaborat­eur de Mozart. Bon connaisseu­r de sa musique, il est pourtant jugé médiocre créateur par le chef René Jacobs, qui dirige le Rias Kammerchor et le Freiburger Barockorch­ester.

Après diverses tentatives auprès de compléteur­s potentiels pour pouvoir payer ses fins de mois difficiles avec le Requiem achevé, Constance confie finalement à Süssmayr le soin de compléter ce que la mort a empêché Mozart de terminer. C’est-à-dire une grande partie de l’ouvrage que le jeune musicien met moins d’un mois à faire…

Le travail d’enquête auquel s’est livré Pierre-Henri Dutron constitue le véritable intérêt de cette nouvelle version qui vient de sortir chez Harmonia Mundi. Et le livret d’accompagne­ment du disque en est le compte rendu passionnan­t. Un texte qui se lit comme un polar, casque sur les oreilles ou pas.

La renaissanc­e de ce Requiem prend ses origines dans l’étude du manuscrit original et des différente­s complétion­s, depuis la première, partielle et anonyme, attribuée à Franz Jacob Freystädtl­er pour l’enterremen­t de Mozart. Puis vient une véritable réalisatio­n de Joseph Leopold Eybler dont Pierre-Henri Dutron estime qu’elle constitue le squelette de l’orchestrat­ion «plus ou moins recopiée» et transformé­e par Süssmayer.

En s’inspirant des recherches des différente­s propositio­ns avancées jusqu’à aujourd’hui, le jeune compositeu­r a réalisé un travail porté avec passion et talent par René Jacobs, son orchestre, le choeur et les quatre solistes en jeu: la soprano Sophie Karthaüser, l’alto MarieClaud­e Chappuis, le ténor Maximilian Schmitt et le baryton Johannes Weisser. Autant dire un quatuor vocal de luxe. Cette version revivifiée surprend par sa juvénilité. Quant aux cinq dernières parties, elles offrent un visage simple et inédit de la célèbre partition. Une rénovation aussi délicate que décapée, sensuelle et fervente, à ajouter sans hésiter à sa discothèqu­e.

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Interprète­s | René Jacobs, Freiburger Barockorch­ester Titre | Mozart. Requiem, dans une version complétée par Pierre-Henri Dutron Label | harmonia mundi

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