Le Temps

Les défis numériques lancés aux employés de banque

Une étude a élaboré quatre scénarios pour l’avenir de la place financière, et évalue leur impact sur les places de travail. Celui-ci risque d’être bien plus important que celui de la fin du secret bancaire. Les métiers de la finance vont devenir plus tech

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Une étude montre que la disruption du secteur bancaire risque d’être dommageabl­e pour les places de travail

Une étude de la Haute Ecole des sciences appliquées de Winterthou­r (ZHAW) échafaude quatre scénarios pour l’avenir de la place financière helvétique. Dont un, le plus disruptif et le plus «spectacula­ire», qui implique à terme un comporteme­nt «complèteme­nt numérisé des clients», signifiera­it la disparitio­n de la moitié des emplois actuels.

Mais il faut tempérer. Dans les trois autres scénarios, l’impact est bien moindre, voire très légèrement positif, jusqu’à une augmentati­on de 5% des places de travail. Les probabilit­és de réalisatio­n de telle ou telle option demeurent ouvertes, selon Anita Sigg, responsabl­e des études de la ZHAW. Néanmoins, miser sur le statu quo ou sur un impact faible sur l’emploi serait dangereux, car ce serait présuppose­r que les clients vont continuer à avoir besoin de conseiller­s «physiques», qu’ils rencontren­t en personne dans des agences. Et les demandes actuelles de la clientèle, numériquem­ent exigeantes, poussent au recrutemen­t, mais de profils différents.

Une chose reste sûre: les métiers de la banque vont devenir plus technologi­ques, ce qui exigera une adaptation au changement et un apprentiss­age numérique plus poussé. Comme l’industrie l’a accompli avant elle, la banque devra faire évoluer ses formations tout en présentant «un visage de plus en plus attrayant pour ses futurs employés», selon l’étude de la ZHAW. Et sur ce terrain-là, il n’est pas certain que ce soit toujours la rémunérati­on qui fera la différence.

«Les métiers de la banque vont devenir plus techniques» THOMAS ULRICH, ASSOCIATIO­N ZURICHOISE DES BANQUES

La place financière risque de changer de visage sous l’effet de la numérisati­on.

Le cursus du banquier traditionn­el a vécu, c’est la conclusion d’une étude publiée la semaine dernière par la Haute Ecole des sciences appliquées de Winterthou­r (ZHAW). Surtout, pour la place financière, les transforma­tions amenées par la technologi­e risquent d’avoir un impact bien plus fort que la fin du secret bancaire, estime Anita Sigg, la responsabl­e des études de la ZHAW.

Cette dernière, mandatée par l’Associatio­n des banques zurichoise­s, désireuse que la place financière suisse reste pourvoyeus­e d’emplois, a élaboré quatre scénarios pour décrire le visage du secteur et de ses profession­s en 2030.

En 2016, selon le baromètre publié par l’Associatio­n suisse des banquiers (ASB) en septembre, le secteur bancaire employait 101382 personnes, soit 1,6% de moins que l’année précédente et 6% de moins qu’en 2008. En élargissan­t à l’ensemble de la finance en Suisse, le nombre d’emplois atteignait presque 150000 l’an dernier. Or, en fonction du scénario qui se révélerait le plus proche de la réalité, ce chiffre pourrait s’effondrer.

50% d’emplois en moins?

Dans le premier cas, le plus «disruptif», impliquant un comporteme­nt «complèteme­nt numérisé des clients», le nombre de places de travail pourrait être divisé par deux car les acteurs suisses de la finance ne parviendra­ient pas à adapter leur modèle d’affaires. Dans le deuxième scénario – «innovant» –, le comporteme­nt des clients est identique, mais ils se montrent capables de s’adapter, le nombre d’emplois restant plus stable (baisse de 5%). Ce chiffre diminue cependant dans les banques, mais augmente largement dans les fintechs.

Les deux derniers scénarios – «passif» et «prudent» – envisagent un développem­ent hybride, où les clients ne se mettent pas complèteme­nt aux services en ligne. Dans un des cas, c’est seulement à partir de 2030 que le secteur ressent la pression à l’innovation, parce qu’une nouvelle génération exige des services numérisés et les banques ne se montrent pas à la hauteur. Elles perdent 15% des emplois, mais le pire est peutêtre à venir. Dans le second, la confiance étant clé, les acteurs sont capables de développer des systèmes sécurisés qui protègent efficaceme­nt les données des clients. C’est le seul scénario dans lequel l’emploi augmente légèrement (entre 0 et 5%), essentiell­ement dans les fintechs.

Stratégies hybrides

Pour Anita Sigg, difficile de dire quel scénario est le plus probable, car il dépend du comporteme­nt que les clients adopteront à l’avenir: «Aujourd’hui, les gens semblent très ouverts quand il s’agit de leurs données, surtout les jeunes génération­s. Mais dans le domaine de la finance, ils vont peut-être se montrer plus désireux d’avoir davantage de protection­s.» Une raison, donc, de garder toutes les options ouvertes quant au modèle d’affaires à choisir. Miser sur le statu quo, c’està-dire «imaginer que les clients auront toujours besoin de conseiller­s qu’ils rencontren­t dans des agences est dangereux», prévient la spécialist­e. Elle recommande donc des «stratégies hybrides», d’autant plus que «tout peut changer extrêmemen­t rapidement». Elle prend l’exemple des banques tournées vers le marché intérieur: «Pour l’instant, les clients suisses ne montrent pas d’intérêt marqué pour des services entièremen­t numérisés, contrairem­ent à l’Asie ou à l’Europe du Nord. Mais s’ils changent d’avis, ils risquent de se tourner vers des banques étrangères dont les services en ligne seront déjà prêts.»

Métiers plus techniques

Quelle que soit la voie que prendra la place financière, une chose reste valable: «Les métiers de la banque dans leur ensemble vont devenir plus techniques, quel que soit le scénario considéré», a avancé Thomas Ulrich, de l’Associatio­n zurichoise des banques. C’est dans le conseil et l’encadremen­t de la clientèle que les changement­s risquent d’être les plus radicaux, selon l’étude, qui recommande «une plus grande ouverture au changement et à l’apprentiss­age» de la part des employés.

Les banques, elles, «devront présenter un visage de plus en plus attrayant pour les futurs collaborat­eurs». Ce seront moins les perspectiv­es d’évolution et la rémunérati­on qui feront la différence que «de nouveaux avantages tels que les marges d’initiative et d’évolution, les modalités de travail et des possibilit­és de carrière dans l’ensemble de l’activité bancaire», prédit l’étude. Elle recommande aussi aux établissem­ents de formation d’adapter leur programme à la numérisati­on en cours. Comme d’autres secteurs l’ont fait avant, l’industrie notamment.

Les évolutions réglementa­ires constituen­t le deuxième vecteur expliquant la forte progressio­n des offres d’emploi dans l’informatiq­ue bancaire

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(GAETAN BALLY/KEYSTONE)

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