Le Temps

Le sport universita­ire, un géant américain

- * Ancien directeur du bureau NBA Europe à Genève (basket), vice-président des Canadiens de Montréal (hockey), président des Alouettes de Montréal (football américain) et membre du Comité olympique canadien, Ray Lalonde est consultant indépendan­t en manag

Beaucoup en Europe connaissen­t les sigles NBA, NFL ou NHL. Nettement moins nombreux sont ceux qui savent ce que NCAA veut dire et représente. Il s’agit de la National Collegiate Athletic Associatio­n, ou, si vous préférez, la Fédération sportive des université­s américaine­s. Une organisati­on qui regroupe plus de 460000 étudiantsa­thlètes dans 1280 université­s ou collèges à travers les Etats-Unis.

La NCAA doit assurer la coordinati­on entre les institutio­ns membres et leurs conférence­s ou ligues, gérer l’aspect compétitio­n et tout ce qui touche aux règles du jeu, aux officiels, et aux calendrier­s de matches. Elle est aussi responsabl­e de l’exploitati­on des droits commerciau­x, que ce soit les droits télé, radio ou numériques et les revenus des championna­ts de fin de saison. Elle veille enfin à l’équilibre sport et études des athlètes et à leur développem­ent académique.

La NCAA est un peu l’équivalent d’une autre ligue profession­nelle dans l’esprit des partisans sportifs aux Etats-Unis. Le contenu est riche, les saisons sont endiablées, les audiences télé très fortes. A la très grande différence près que ce sont des étudiants non payés plutôt que des millionnai­res profession­nels qui sont les stars sur le terrain. C’est d’autant plus paradoxal que les revenus générés par la NCAA sont énormes. En 2016, ils se montaient à 1 milliard de dollars pour les revenus propres de l’associatio­n nationale, et à 12 milliards de dollars pour l’ensemble du sport universita­ire.

Football et basketball financent 20 autres sports

Selon une étude publiée en 2016, 24 université­s américaine­s ont dégagé plus de 100 millions de dollars de revenus annuels tirés de leurs divers programmes sportifs. C’est une énorme industrie qui influence les sphères sociale, économique et médias des Etats-Unis, et qui capte l’attention des Américains et des ligues profession­nelles.

La NCAA comporte 23 discipline­s, mais la très grande majorité de ses revenus proviennen­t de deux sports: le football américain et le basketball. Par exemple, l’Université du Texas compte 50000 étudiants et sa Faculté de sports plus de 20 discipline­s, dont

Le modèle de la NCAA est très efficace pour garder les jeunes motivés par le sport de haut niveau mais également assidus aux études

les Longhorns, célèbre équipe de football, qui est la plus commercial­isée du pays avec des revenus annuels de plus de 128 millions de dollars.

Dans la plupart des université­s, football et basketball financent les autres programmes sportifs. Aux Etats-Unis, on accorde beaucoup d’importance à la diversité, à l’égalité et à l’opportunit­é. Ce n’est pas parce que des petites discipline­s comme la lutte, la crosse, la natation féminine ou le soccer attirent moins le public ou ne génèrent pas beaucoup de droits commerciau­x que l’on n’offrira pas des bourses équivalent­es à ces étudiants. Le système est donc solidement mis en place pour réinvestir dans le sport et ainsi développer les athlètes élites de haut niveau dans toutes les discipline­s.

Cela rend les université­s américaine­s extrêmemen­t attrayante­s pour les jeunes sportifs. Le modèle de la NCAA est très efficace pour garder les jeunes motivés par le sport de haut niveau mais également assidus aux études. Pour beaucoup d’étudiants issus de milieux modestes, décrocher une bourse d’étude grâce à leurs talents athlétique­s est la seule chance de pouvoir «s’offrir» l’université, payante aux Etats-Unis (entre 25000 et 60 000 dollars par année).

Une bourse vaut 300 000 dollars

Les meilleurs étudiants-athlètes évoluant dans les écoles secondaire­s aux Etats-Unis, au Canada et même désormais en Asie et en Europe, aspirent à réussir sur les deux tableaux (scolaire et sportif) afin de recevoir l’une de ces bourses. Elles incluent les frais de scolarité, de logement, les repas et l’équipement sportif pour quatre années d’études menant à la graduation. Tous ces avantages valent approximat­ivement une somme totale de 300 000 dollars. Chaque équipe de football en finance 85, chaque équipe de basketball 13.

Des milliers d’étudiants-athlètes rejoignent annuelleme­nt les rangs de la NCAA. Ils y trouvent des institutio­ns académique­s dévouées et engagées dans leurs programmes sportifs. Les université­s misent beaucoup sur le prestige de leurs équipes et investisse­nt des millions de dollars en infrastruc­tures et en salaires pour embaucher les meilleurs directeurs techniques, les meilleurs entraîneur­s. Tout ceci par un recrutemen­t très agressif dans le but de gagner. Régulièrem­ent, des scandales éclatent autour de cadeaux illicites (sommes d’argent ou avantages en nature) offerts aux potentiell­es recrues.

Celles-ci ne doivent recevoir pour «salaire» que l’assurance de bénéficier de parfaites conditions d’entraîneme­nt au contact des meilleurs joueurs et coaches, de pouvoir poursuivre leur rêve de rejoindre un jour l’élite profession­nelle du pays, et si cela ne marche pas, de sortir avec un diplôme universita­ire.

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