Le Temps

Trump fait passer une réforme qui alourdit la dette publique de 1000 milliards

La nouvelle loi fiscale prévoit de baisser le taux de l’imposition sur les bénéfices des sociétés de 35 à 20% et de réduire les taxes pour les particulie­rs. Près de 1000 milliards devraient ainsi s’ajouter à la dette publique, qui dépasse déjà les 20 000

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, NEW YORK @VdeGraffen­ried

Enfin. C’est ce qu’a dû se dire Donald Trump, après des heures de débat au Sénat et quelques psychodram­es. Malgré les menaces de défection dans le camp républicai­n, le président des EtatsUnis peut enfin se prévaloir d’une victoire au Congrès, avec l’adoption par le Sénat d’une réforme historique sur la fiscalité. Son agitation sur Twitter ces derniers jours était un bon baromètre de l’intensité de son stress. «Les seules personnes qui n’aiment pas le plan fiscal sont celles qui ne le comprennen­t pas ou les démocrates obstructio­nnistes qui savent à quel point il est vraiment bon et qui ne veulent pas que le succès revienne aux républicai­ns!», a-t-il notamment osé twitter.

Première grande refonte depuis 1986

Tout s’est joué dans la nuit de vendredi à samedi, à une voix près. Le spectre d’un remake du débat autour de l’Obamacare faisait craindre le pire à Donald Trump: cet été, trois sénateurs républicai­ns, dont John McCain, ont torpillé une de ses promesses phares de campagne. Mais au final, la nouvelle réforme de la fiscalité, la première depuis le projet de Ronald Reagan en 1986, a été adoptée par 51 voix contre 49 (l’ensemble des démocrates plus le républicai­n Bob Corker ont voté non). Le projet doit encore être harmonisé entre les deux Chambres. Elles revoteront avant la fin de l’année.

Concrèteme­nt, la réforme fiscale a pour but de soulager la classe moyenne et doper la croissance. Tel qu’avalisé par le Sénat, le projet prévoit, dès 2019, une baisse du taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés de 35 à 20%, une baisse des impôts pour toutes les catégories de contribuab­les, ainsi qu’une grande simplifica­tion au niveau de la déclaratio­n fiscale, le système américain étant actuelleme­nt très compliqué.

Selon les experts d’une commission non partisane, le Joint Committee on Taxation, ce plan représente près de 1000 milliards de dollars qui pèseront en plus, d’ici à 2028, sur la dette publique américaine. Une dette publique qui dépasse déjà les 20000 milliards de dollars.

Coupes inévitable­s dans les dépenses

C’est notamment la crainte de voir le déficit budgétaire se creuser qui a poussé l’ensemble des démocrates à s’opposer avec vigueur à la réforme. Selon la commission chargée de calculer l’impact du nouveau projet sur les finances fédérales, le surplus de croissance lié à la baisse d’impôts ne compensera qu’un tiers du manque à gagner pour le Trésor. Il va donc falloir couper dans certaines dépenses.

Les démocrates s’érigent également contre le projet en dénonçant un «cadeau fiscal» aux riches. Si les particulie­rs devraient voir leur pouvoir d’achat augmenter, toutes classes de revenus confondues, ce sont bien les 5% des ménages les plus aisés qui en profiteron­t davantage. Le Tax Policy Center va plus loin: 61,8% des avantages fiscaux concernera­ient en fait le 1% des ménages les plus riches.

L’espoir de rapatrier les multinatio­nales

De leur côté, les républicai­ns espèrent surtout, grâce à une fiscalité plus attractive pour les sociétés, pousser les multinatio­nales à rapatrier une bonne partie des quelque 2000 milliards de dollars de bénéfices engrangés à l’étranger. La réforme concrétise également la fin de l’obligation pour les Américains de souscrire à une assurance maladie privée si leur employeur ne leur en fournit pas une. Elle permet aussi, selon le projet, des forages pétroliers sur des terres protégées de l’Alaska. Selon différents sondages d’opinion récents, la réforme, soutenue par le seul parti au pouvoir, est plutôt mal perçue au sein de la population, qui demeure sceptique quant à ses effets.

61,8% des avantages fiscaux concernera­ient le 1% des ménages les plus aisés

«Trahison de la classe moyenne»

Dans la nuit de vendredi à samedi, l’opposition démocrate s’était scandalisé­e de la réécriture de dernière minute et du dévoilemen­t tardif des 479 pages du texte, où certaines précisions ont même été ajoutées, dans l’urgence, à la main. Nancy Pelosi, la cheffe de file des démocrates au Sénat, n’a pas mâché ses mots: «Au coeur de la nuit, les sénateurs républicai­ns ont trahi la classe moyenne américaine», a-t-elle déclaré.

Donald Trump n’a pu qu’à moitié savourer cette première victoire au Congrès. Vendredi, l’inculpatio­n de son ancien conseiller à la Sécurité nationale, Michael Flynn, a fait l’effet d’une bombe et gâché la fête. Michael Flynn collabore désormais avec le procureur spécial Robert Mueller, qui cherche à établir les liens entre Moscou et l’entourage de Trump dans le cadre de l’ingérence russe dans l’élection présidenti­elle américaine. Selon l’acte d’accusation, Michael Flynn a ponctuelle­ment agi sur les instructio­ns d’un «très haut responsabl­e» de l’équipe de transition présidenti­elle. Tout porte à croire qu’il s’agit de Jared Kushner, l’influent gendre du président des EtatsUnis.

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(EDUARDO MUÑOZ/REUTERS) Si les ménages vont voir leur pouvoir d’achat augmenter, le Trésor va subir un manque à gagner qui fait craindre à une partie de la population des coupes conséquent­es dans les dépenses sociales.

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