Un économiste et un nostalgique de la Wehrmacht à la tête de l’AfD
L’Alternative für Deutschland, réunie dans un congrès chaotique à Hanovre, a fini par nommer Jörg Meuthen et Alexander Gauland à sa tête. Le parti populiste fondé par Frauke Petry continue de la sorte son virage à droite
Le parti populiste AfD, qui a créé la surprise aux législatives du 24 septembre en entrant avec fracas au Bundestag avec 12,6% des voix, s’est réuni en congrès à Hanovre ce week-end. Ce devait être l’occasion de se présenter en force. Ce sont plutôt ses faiblesses qui ont éclaté au grand jour: dehors, des milliers de manifestants ont tenté de perturber le congrès pendant tout le week-end, tandis qu’à l’intérieur, chaos et suspense débouchaient, à l’issue d’un vote à la limite du vaudeville, sur l’élection samedi soir d’une direction bicéphale entérinant le virage à droite du parti.
La journée avait plutôt bien commencé pour les quelque 600 délégués, qui s’étaient sagement mis au travail samedi matin, malgré une heure de retard sur le planning en raison des manifestants qui ont tenté de bloquer l’accès au Palais des congrès de la ville. Motion après motion, la jeune formation – réputée pour son strict respect des procédures et sa tendance au vote systématique de chaque détail de son fonctionnement par les délégués – a finalement abordé la question du vote de sa direction bicéphale, samedi dans la soirée. Jörg Meuthen, professeur en économie et chef du parti dans le Bade-Wurtemberg, est rapidement réélu, sur le score toutefois modeste de 72% des voix. Représentant de l’aile libérale, longtemps considéré comme modéré, Jörg Meuthen est critiqué depuis des mois à l’interne pour sa tendance à l’intrigue.
Tour imprévu
Les choses se sont corsées peu après 18h, prenant un tour tout à fait imprévu, pour le vote du second «porte-parole» de l’AfD, le titre que portent les deux chefs du mouvement. Le parti attendait le Berlinois Georg Pazderski, colonel à la retraite de la Bundeswehr, réputé modéré et proche de l’ancienne cheffe, Frauke Petry. Cette dernière, élue au Bundestag le 24 septembre, avait démissionné du parti le lendemain du vote, pour protester contre la dérive à droite de l’AfD, tout en conservant son mandat de députée du Bundestag. Comme Frauke Petry, Georg Pazderski considère que l’AfD doit «s’adoucir» pour participer «le jour J» au pouvoir, d’abord en ex-RDA – où l’AfD a réalisé ses meilleurs scores avec en moyenne près de 30% des voix – puis au niveau fédéral.
Georg Pazderski sera finalement battu à deux reprises, incapable de résister aux assauts de l’«Aile» – comme on appelle tout simplement à l’interne le courant extrémiste de Björn Höcke. Responsable de l’AfD en Thuringe (ex-RDA), Björn Höcke s’était attiré les foudres de Frauke Petry en déclarant au printemps sous les acclamations de ses supporters à Dresde, au sujet du Mémorial de l’Holocauste à Berlin, que «l’Allemagne était le seul peuple au monde à avoir planté au coeur de sa capitale un monument de la honte». Frauke Petry, qui avait lancé une procédure d’exclusion de Björn Höcke devant les instances dirigeantes du parti, s’était cassé les dents sur le poids de l’«Aile».
«Chasser Merkel» du pouvoir
Björn Höcke et ses hommes, qui semblent plus que jamais tirer les ficelles en sous-main, ont finalement imposé l’élection d’Alexander Gauland, 76 ans, figure historique du parti et déjà chef du groupe parlementaire de l’AfD au Bundestag. Alexander Gauland, un ancien de la CDU qui veut «chasser Merkel» du pouvoir, ne recule lui-même devant aucune provocation, expliquant au sujet de la période 1933-1945 qu’il fallait «cesser de nous reprocher ces douze années» ou saluant les «accomplissements des soldats allemands pendant les deux guerres mondiales».
Avec Jörg Meuthen, Alexander Gauland et Björn Höcke en embuscade, l’AfD se décale un peu plus vers la droite. «Les conservateurs pragmatiques sont désormais minoritaires. Le parti se trouve beaucoup plus à droite que ce que bien des délégués pensaient eux-mêmes», estime le quotidien Süddeutsche Zeitung sur son site, tandis que le quotidien berlinois Tagesspiegel s’attend à une nouvelle vague de défections parmi les militants, alors que quantité de cadres régionaux avaient fui l’AfD dans le sillage de la défection de Frauke Petry au lendemain des élections. «Les pragmatiques au sein du parti avaient surestimé leur poids, poursuit la Süddeutsche Zeitung. Il est désormais évident que l’Aile peut à tout moment les bloquer. Les pragmatiques sont tolérés, rien de plus.»
Le virage à droite de l’AfD pourrait affaiblir un peu plus Angela Merkel, incapable de trouver une majorité stable en raison du score obtenu par l’AfD aux élections législatives et qui peut désormais s’attendre à une opposition des plus musclées au sein du Bundestag. Samedi, Jörg Meuthen obtenait une salve d’applaudissements en critiquant «ces pathétiques petits jeux de bac à sable» auxquels se livreraient les partis traditionnels à la recherche d’une majorité, ajoutant: «Tout cela est bon pour nous et nous apporte de nouveaux partisans.»
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