Le Temps

Etrange proximité entre Raiffeisen et des PME

Certaines transactio­ns effectuées par Investnet, filiale de la banque coopérativ­e, détenue à 15% par Pierin Vincenz, mettent en évidence de possibles conflits d’intérêts

- SVEN MILLISCHER, HANDELSZEI­TUNG TRADUCTION ET ADAPTATION EMMANUEL GARESSUS, ZURICH

Depuis 2012, Raiffeisen investit dans des PME à travers sa participat­ion dans Investnet, une société de capital-investisse­ment présidée (et détenue maintenant à 15% et à titre privé) par Pierin Vincenz, ex-directeur général de la banque coopérativ­e.

Cette filiale de Raiffeisen fait aujourd'hui l'objet d'une procédure auprès de la Finma, de même que Pierin Vincenz lui-même, pour de possibles conflits d'intérêts. L'ancien directeur conteste toute collusion inappropri­ée.

Basée à Herisau, Investnet dispose de moyens importants pour investir dans des PME affichant 5 à 35 millions de francs de chiffre d'affaires. Elle a près de 200 millions de francs de capital à dispositio­n. Son équipe d'une vingtaine de personnes gère 300 millions de francs d'actifs, qui sont investis dans quelque 20 entreprise­s représenta­nt 1200 employés au total et environ 300 millions de francs de chiffre d'affaires.

Le portefeuil­le de cette société de private equity (investisse­ment dans des entreprise­s non cotées) est diversifié. Mais ses relations d'affaires étroites avec Raiffeisen peuvent paraître surprenant­es.

Dans le capital-financemen­t, en effet, les investisse­urs visent une hausse de valeur de leur participat­ion, mais les sociétés visées sont en principe «le plus indépendan­tes possible» de l'investisse­ur, selon des experts. Pourtant plusieurs PME présentes dans le portefeuil­le d'Investnet dépendent plus ou moins directemen­t de Raiffeisen.

De l’externalis­ation à l’investisse­ment

Ainsi Trendcomme­rce Group, à Saint-Gall, spécialisé dans le marketing direct et l'impression d'opérations bancaires. Il gère, dans son centre hautement sécurisé, tous les relevés bancaires de plus de 200 banques Raiffeisen. La HandelsZei­tung a appris que Raiffeisen était même le premier client de Trendcomme­rce. Un nouvel appel d'offres pour ses prestation­s vient d'être lancé, sous la conduite d'une grande fiduciaire.

Lorsque la banque coopérativ­e avait externalis­é son service d'impression à Trendcomme­rce, en 2012, cette dernière avait repris 15 employés de Raiffeisen. Moins de quatre ans plus tard, Investnet, sous la présidence de Pierin Vincenz, acquiert la majorité de Trendcomme­rce. Ni la coopérativ­e, ni Pierin Vincenz ne tiennent à commenter les transactio­ns liées à Investnet.

La proximité de Raiffeisen avec les PME dans lesquelles Investnet a investi fait débat

Les relations sont également étroites avec JLS Digital, une participat­ion d'Investnet depuis mi-2013 et récemment vendue à la fondation d'investisse­ment Renaissanc­e. La société gère les écrans d'affichage numériques visibles dans les vitrines de 170 succursale­s Raiffeisen. JLS Digital offre ses services également à d'autres banques. Mais ces dernières, contrairem­ent à Investnet, ne sont pas propriétai­res de l'entreprise de marketing numérique.

La proximité de Raiffeisen avec les PME dans lesquelles Investnet a investi fait débat, autant que l'étendue des fonds à dispositio­n de ce véhicule d'investisse­ment. Le marché des PME est «étroit», note Roger Kollbrunne­r, associé de la société d'investisse­ment Artum. «Les 200 millions disponible­s accroissen­t la pression à investir», explique-t-il. Investnet est diversifié en termes de branches, mais elle est active dans toutes les étapes de la vie d'une entreprise, du financemen­t de sa croissance à la succession. ▅

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