Le Temps

L’apparente démocratie russe

- SIMON PETITE t @SimonPetit­e

Pour lancer une campagne électorale, rien de mieux qu’une bonne vieille conférence de presse. Le président russe, Vladimir Poutine, qui brigue un quatrième mandat, s’est soumis jeudi à Moscou au jeu des questions-réponses.

Il s’est prêté d’autant plus volontiers à l’exercice qu’il ne risquait pas grand-chose. L’issue de la campagne ne fait guère de doute. Son adversaire le plus dangereux, le trublion anti-corruption Alexeï Navalny, ne pourra pas se présenter. Au soir du 18 mars 2018, à moins d’un improbable second tour, le président rempilera donc pour six ans.

Au terme de ce nouveau mandat, en 2024, Vladimir Poutine aura passé vingt-quatre ans aux commandes de son pays, le plus souvent en tant que président et plus brièvement comme premier ministre. Dans l’histoire contempora­ine de la Russie, il n’y aura alors plus que Joseph Staline pour dépasser une telle longévité. Cette routine est à la fois rassurante et inquiétant­e pour l’inamovible pouvoir russe. Il faut préserver l’illusion d’une démocratie ouverte et imprévisib­le. Car l’usure du pouvoir touche n’importe quel dirigeant, même Vladimir Poutine.

Depuis son ascension météoritiq­ue en 2000, le président a su redonner une fierté aux Russes, humiliés par la fin de l’Union soviétique. Moscou est de nouveau incontourn­able sur la scène internatio­nale. Mais le nationalis­me agressif de la Russie a un coût. Les sanctions occidental­es consécutiv­es à l’annexion de la Crimée et l’interventi­onnisme en Ukraine pénalisent les Russes. Pour le Kremlin, il est vital que le mécontente­ment soit canalisé à l’intérieur du système.

D’où le soin de Vladimir Poutine à maintenir une apparence de démocratie avec ses grands-messes, comme la présidenti­elle jouée d’avance du printemps prochain et cette conférence de presse annuelle. Vladimir Poutine n’est d’ailleurs pas le seul autocrate à invoquer la souveraine­té populaire et les rites démocratiq­ues pour justifier un pouvoir de plus en plus personnel. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, vient de renforcer ses prérogativ­es par référendum.

Le modèle de démocratie dite illibérale prospère aussi au sein de l’Union européenne: en Hongrie ou en Pologne. Les Etats-Unis de Donald Trump sont sur la même pente glissante, retenus par les puissants contre-pouvoirs américains. Tous ces hommes forts entretienn­ent une admiration mutuelle. Ils partagent une aversion pour la démocratie parlementa­ire, ses interminab­les palabres et sa patiente recherche du consensus. Cette alliance objective devrait dissiper une autre illusion: que la Russie de Poutine contrebala­nce la superpuiss­ance américaine. Le monde a irrémédiab­lement changé.

Le nationalis­me agressif de la Russie a un coût

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