Le Temps

«La testostéro­ne n’explique pas tout»

- PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVIE LOGEAN @sylvieloge­an

Quel rôle jouent vraiment les androgènes, hormones que l’on associe régulièrem­ent à la virilité et à la puissance sexuelle, dans les comporteme­nts masculins? «N’en déplaise à beaucoup, les hormones imposent des comporteme­nts différents. Les femmes qui le comprennen­t abordent les hommes avec moins de peur et plus de bienveilla­nce.» En pleine affaire Yannick Buttet, l’avocate Anne Reiser se positionna­it quelque peu à contre-courant, lors d’une interview accordée au Temps, fin novembre. Alors en quoi les androgènes font-ils le mâle? Régulièrem­ent qualifiée d’hormone de la virilité, de par son importance dans la prise de masse musculaire et la fonction érectile, la testostéro­ne peut-elle être au centre de comporteme­nts déplacés? Explicatio­ns de François Pralong, médecin-chef du Centre d’endocrinol­ogie, diabétolog­ie et obésité à l’Hôpital de La Tour, à Genève.

Dans quelle mesure la testostéro­ne peut-elle affecter les comporteme­nts masculins?

La testostéro­ne a de fortes influences sur le comporteme­nt tant des hommes que des femmes, qui en produisent dans une moindre mesure. Elle est, par exemple, un puissant stimulant de la libido masculine et féminine. Il a par ailleurs également été démontré qu’elle favorisait les attitudes plus agressives. Il faut toutefois se méfier des raccourcis. La testostéro­ne peut certes moduler des comporteme­nts, mais elle ne va pas les induire, encore moins les expliquer. Bien qu’il ne faille pas sous-estimer leur puissance, nous ne sommes pas réduits à des hormones. Nous sommes également dotés d’un cortex préfrontal, capable de juguler les émotions ou nos pulsions. Sans compter le poids de l’éducation ou les barrières sociales qui intervienn­ent aussi, mais peuvent parfois tomber sous l’effet de l’alcool.

Vous avez également participé à une étude ayant démontré que les personnes présentant des taux plus élevés de testostéro­ne étaient plus facilement corruptibl­es. C’est exact. Et cela était valable autant pour les hommes que pour les femmes. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une relation de cause à effet absolue, mais la testostéro­ne augmente les facteurs de risques.

Certaines personnes sont-elles plus sensibles aux effets de la testostéro­ne? C’est une hypothèse. Certains individus seraient génétiquem­ent déterminés à être extrêmemen­t sensibles à la testostéro­ne, hormone pour laquelle nous possédons des récepteurs dans différente­s zones du cerveau, dont le cortex. Par ailleurs, il faut également savoir que les taux de testostéro­ne varient en fonction des personnes. Certaines sont plus imprégnées que d’autres naturellem­ent, ce qui pourrait favoriser des comporteme­nts plus agressifs ou dominants. Mais encore une fois, il faut rester très prudent avec de telles relations de causalité.

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