Le franc baisse mais la Banque nationale suisse ne fléchit pas
Malgré la nouvelle dépréciation de la monnaie helvétique cet automne, la Banque nationale suisse estime qu’il est trop tôt pour envisager une normalisation de sa politique monétaire
Tous les voyants ne sont pas au vert, mais les indicateurs pointent dans la bonne direction. Lors d’une conférence de presse à Berne, jeudi, la Banque nationale suisse (BNS) a souligné le regain de dynamisme de l’économie suisse, encouragée par la vigueur de la reprise à l’international.
Selon son président, Thomas Jordan, «la croissance a été soutenue principalement par l’industrie manufacturière, qui a bénéficié du dynamisme conjoncturel à l’étranger et de la dépréciation du franc».
Cette conjoncture favorable n’empêche pas la BNS de rester aux aguets. En dépit de la baisse du franc ces derniers mois, elle considère toujours qu’il s’inscrit «à un niveau élevé». Elle maintient donc sa politique monétaire actuelle.
Le régime expansionniste qui prévaut depuis maintenant presque trois ans perdure. A savoir un taux d’intérêt négatif de –0,75% et une marge de fluctuation du Libor à trois mois entre –1,25% et –0,25%. Le directoire a également confirmé sa volonté de poursuivre «au besoin» sa stratégie d’interventions sur le marché des changes.
«Baisse fragile»
La baisse du franc reflète «le fait que les valeurs refuges sont actuellement moins recherchées», analyse la banque centrale. Mais elle prévient: «Ce développement demeure fragile.» La numéro trois de la BNS, Andréa Maechler, constate que malgré une faible volatilité au second semestre et un contexte positif, «le franc n’a plus faibli au cours des dernières semaines». Ce qui lui fait dire que «le risque d’une nouvelle appréciation du franc persiste, surtout si l’aversion au risque fait son retour sur les marchés financiers».
Depuis mi-septembre, l’euro s’est apprécié de presque 2% face au franc suisse, de 1,1460 à 1,1670. Le dollar est lui aussi monté, de 0,9610 à 0,9880, soit d’environ 2,5%.
Aux Etats-Unis, la Fed a encore relevé ses taux mercredi. En Angleterre, la BOE en a fait de même, récemment, pour la première fois depuis le début de la crise financière.
Mais en Suisse, «il est trop tôt pour parler de normalisation de la politique monétaire, a répété Thomas Jordan. L’inflation est trop basse et «l’output gap» – la différence entre l’état réel de l’économie et son potentiel – est encore important». Autrement dit, aucun signe de surchauffe ne pointe à l’horizon.
La BNS a néanmoins relevé ses prévisions d’inflation, par rapport à sa dernière réunion de septembre. En cause, l’augmentation des prix du pétrole et le nouvel affaiblissement du franc, qui rend mécaniquement les biens importés plus onéreux.
Pour 2017, la banque centrale s’attend à une hausse des prix de 0,5%, au lieu de 0,4% il y a trois mois. Pour 2018, elle pronostique un taux d’inflation de 0,7%, contre 0,4% précédemment. Pour 2019, la prévision demeure à 1,1%, tandis qu’en 2020, l’inflation pourrait atteindre 2,1%.
C’est un taux supérieur à son objectif de stabilité des prix, fixé à moins de 2%. De l’avis des analystes de Credit Suisse, cette prévision est un «premier pas prudent» vers la normalisation. Elle augmente la probabilité d’une première hausse de taux l’an prochain. «C’est une prévision conditionnelle, a rappelé Thomas Jordan. Ce calcul part du principe qu’il n’y aura pas de changement de taux et que le franc reste à son niveau actuel. Mais il n’y a pour l’instant aucun risque que l’inflation dépasse 2%. Il n’y a pas d’urgence.»
Sans surprise, le président de la BNS a par ailleurs refusé de dire à quel niveau le franc cesserait d’être considéré comme surévalué. «Il l’est moins, mais il le reste. Nous poursuivons donc notre stratégie pour faire en sorte qu’il baisse encore.»
▅
«Le risque d’une nouvelle appréciation persiste, si l’aversion au risque fait son retour» ANDRÉA MAECHLER, NUMÉRO TROIS DE LA BANQUE NATIONALE SUISSE