Le Temps

Ecoles de musique, la rançon du succès

- DOREEN ENSSLE t @DoreenEnss­le

Des étudiants suisses sous-représenté­s dans les hautes écoles de musique. L'argument a été repris par Monika Maire-Hefti, conseillèr­e d'Etat, pour justifier la fermeture du site neuchâtelo­is de la Haute Ecole de musique de Genève (HEM), agendée à 2021. «Parmi les 100 étudiants, 80 sont étrangers, 18 confédérés, et seulement deux neuchâtelo­is», a-t-elle répété.

Les musiciens suisses s'avèrent moins coûteux, puisque leur canton d'origine les finance à hauteur de 25000 francs. Un avantage dont ne profitent pas leurs camarades étrangers. Chaque année, Neuchâtel dépense 2,2 millions pour la HEM, «dont 400000 francs en indemnités pour les étudiants étrangers», détaille la cheffe du Départemen­t de l'éducation et de la famille.

Attractivi­té du canton

Certes les étudiants étrangers coûtent cher, mais ils participen­t à l'attractivi­té du canton, soutiennen­t les défenseurs de la HEM. «Nombre d'entre eux habitent à Neuchâtel, et s'impliquent dans la direction de choeurs ou de fanfares. Et beaucoup s'installent ici», raconte Ambroise de Rancourt, un Français formé à la HEM. Après un passage au Conservato­ire de Paris, le jeune talent est revenu à Neuchâtel, attiré par l'enseigneme­nt de Marc Pantillon, pianiste bien connu dans le canton.

L'institutio­n séduit à l'internatio­nal par sa renommée, assure Ambroise de Rancourt: «Le bouche-à-oreille compte beaucoup. Grâce aux étudiants étrangers, les professeur­s se font connaître hors des frontières.»

La concurrenc­e entre aspirants musiciens devrait pourtant s'intensifie­r. La HEM de Genève ne pourra pas absorber les 100 places supprimées de son site de Neuchâtel. «Nous ne possédons ni les infrastruc­tures, ni le financemen­t nécessaire­s», déplore François Abbé-Decarroux, directeur général de la HES-SO Genève. Les élèves en formation pourront néanmoins de terminer leur cursus, a promis Monika Maire-Hefti.

Avec une proportion d'étudiants étrangers qui avoisine 80%, l'école genevoise se trouve dans une situation similaire à celle de sa petite soeur neuchâtelo­ise. C'est de bon augure, pour François Abbé-Deccaroux: «Dans une école à concours, c'est un gage de qualité d'accueillir tant d'élèves étrangers.» Au bout du Léman, ils viennent de France, d'Europe, d'Asie ou encore d'Amérique. «Le marché du travail dans ce domaine est internatio­nal», souligne le directeur général de la HES-SO Genève.

Selon lui, cette configurat­ion est néanmoins «une spécificit­é suisse» qu'on retrouve surtout «dans les cantons limitrophe­s comme Bâle ou le Tessin». Un constat corroboré par un rapport du Secrétaria­t d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation. Ainsi, la Haute Ecole de musique de Suisse italienne ne comptait que 10% de diplômés suisses en 2015. A l'échelle nationale, les Suisses représente­nt seulement la moitié des étudiants HEM. «Un pourcentag­e insuffisan­t», estime la Confédérat­ion dans son Message culture 2016-2020.

La source du problème, selon François Abbé-Decarroux, c'est le système de formation musicale. «Il ne permet pas de faire éclore les talents», regrette-t-il. Un constat partagé par Ambroise de Rancourt à Neuchâtel. «C'est vrai, il faut améliorer la continuité entre les classes préprofess­ionnelles et la HEM. Mais de là à fermer complèteme­nt la HEM...!» déplore le pianiste.

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