Le Temps

Un malaise qui ne s’est pas dissipé

Yannick Buttet a certes démissionn­é du Conseil national, mais ses actes ne seront probableme­nt pas sanctionné­s pénalement à Berne, où aucune procédure ne devrait être ouverte

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Yannick Buttet a donc fini par démissionn­er de son mandat de conseiller national après les dernières révélation­s du Temps et du Nouvellist­e. Est-ce la fin de l’affaire sous la coupole fédérale? Le PDC, placé sous haute pression, le souhaite vivement. Un malaise n’en demeure pas moins. Selon toute vraisembla­nce, Yannick Buttet a violé le droit, mais un procès devrait lui être épargné à Berne. Les victimes de ses actes hésitent toujours beaucoup à déposer plainte.

Au PDC, l’affaire a suscité une onde de choc dès le 29 novembre au soir, moment où elle a été révélée sur le site web de notre journal. Le Conseil national est en train de fêter son nouveau président, Dominique de Buman, lorsque plusieurs membres de la direction du PDC reçoivent un courriel de celui qui est encore le numéro deux du parti. Le président, Gerhard Pfister, et la secrétaire générale, Béatrice Wertli, comprennen­t vite la gravité de l’affaire, d’autant plus que Yannick Buttet reconnaît une bonne partie des faits.

La réaction rapide du PDC

Au PDC, une première réunion de crise se déroule le lendemain déjà, entre 7h et 8h du matin, soit avant la reprise des travaux du Conseil national. C’est la seule fois où le Valaisan est présent physiqueme­nt pour s’expliquer. Certes, il offre sa démission de la vice-présidence, mais ce n’est là qu’une demi-mesure, peu satisfaisa­nte aux yeux non seulement des médias, mais aussi de plusieurs élus PDC.

La tête du parti est confrontée à un cruel dilemme. D’un côté, elle doit faire valoir la présomptio­n d’innocence. De l’autre, elle prend vite conscience des dégâts d’image pour ce PDC qui se veut le «parti des valeurs». Douze heures après l’éclatement de l’affaire, Gerhard Pfister parle déjà d’un «comporteme­nt inacceptab­le». Quelques heures plus tard, c’est la conseillèr­e fédérale Doris Leuthard qui avoue que «M. Buttet aurait un problème si les faits s’avèrent».

Le week-end suivant, le PDC suisse se fâche définitive­ment avec son mouton noir. Le 4 décembre, Yannick Buttet, qui a pris un avocat zurichois, n’apparaît pas lors d’une séance de crise. Il préfère se mettre en congé maladie au lieu de répondre aux accusation­s qui pèsent sur lui. Dans son parti, certains peinent à dissimuler leur ire: «Nous étions très mal, car nous nous sentions impuissant­s. C’était à lui de démissionn­er», confie une élue PDC.

Aujourd’hui, c’est le soulagemen­t qui domine dans le parti. «Cette décision est sage pour le parti et l’institutio­n», déclare Dominique de Buman (PDC/FR). Ses dirigeants aimeraient clore définitive­ment l’affaire, ne serait-ce que pour passer à un dossier urgent, à savoir la campagne contre l’initiative «No Billag», qu’ils ont la responsabi­lité de conduire. Mais le malaise provoqué par cette affaire ne s’est pas totalement dissipé. Car Yannick Buttet a bien précisé que sa démission du Conseil national ne constituai­t pas un aveu de culpabilit­é, mais bien une mesure pour protéger sa famille. Il l’a dit et répété: «Je suis peut-être un gros lourd, mais pas un harceleur sexuel.»

Les Femmes PDC offrent une médiation

Présidente des Femmes PDC, Babette Sigg précise cependant: «Il faut prendre très au sérieux les accusation­s des femmes. Nous ne pouvons pas retourner aux affaires comme si rien ne s’était passé.» Aussi propose-t-elle un service de médiation aux femmes ayant jusqu’ici témoigné anonymemen­t. «Je suis prête à les écouter, toujours sous le sceau de la confidenti­alité.» Et ensuite? «Il faudra voir si d’autres mesures sont nécessaire­s.»

En dehors de la plainte déposée à Sierre, qui débouche sur une procédure pour contrainte, il est peu probable que la justice devienne active pour les faits s’étant déroulés dans la capitale fédérale. «Des accusation­s relayées par les médias ne constituen­t pas une base suffisante pour ouvrir une procédure pénale. Il faut que les personnes qui témoignent anonymemen­t déposent une plainte à la police ou au Ministère public», note le porte-parole du Ministère public du canton de Berne, Christof Scheurer.

«Nous ne pouvons pas retourner aux affaires comme si rien ne s’était passé» BABETTE SIGG, VICE-PRÉSIDENTE DU PDC

Procédure à Berne peu probable

Les victimes des actes de Yannick Buttet ne sont pour l’instant pas prêtes à le faire. «Même si les faits sont graves, ils se sont souvent déroulés sans témoin. Les preuves seraient ainsi difficiles à apporter et il n’est pas sûr dans ces conditions qu’une procédure pénale se terminerai­t par une condamnati­on», relève l’une d’entre elles. De son côté, la vice-présidente des Verts, Lisa Mazzone, préfère tirer les enseigneme­nts positifs de l’affaire. «En prenant la parole, les femmes sont devenues actives et elles ont eu un impact réel qui a débouché sur la démission de Yannick Buttet, qui pour moi est une reconnaiss­ance des faits.»

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(DR) Babette Sigg, présidente des Femme PDC, a proposé un service de médiation aux femmes qui ont témoigné anonymemen­t pour dénoncer des actes de harcèlemen­t.

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