Le Temps

Accord avec l’UE: un tournant pour Theresa May

- FRANÇOIS NORDMANN

Le gouverneme­nt de Mme Theresa May est plus stable qu’il ne donne à croire. Affaiblie par le résultat des élections législativ­es anticipées qu'elle a provoquées le 8 juin dernier, elle a su naviguer depuis lors le long d'un étroit chenal entre partisans d'un Brexit dur, avocats d'un Brexit léger et opposants à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.

Les sondages lui étaient favorables et prévoyaien­t la déroute du Labour Party. En fait Mme May a été privée de la majorité absolue que son parti détenait dans l'ancien parlement. Jeremy Corbyn, leader du Parti travaillis­te a renouvelé son électorat, se posant en rival crédible de la première ministre.

Mme May a donc conclu une alliance électorale avec le parti DUP, des conservate­urs irlandais radicaux, afin de disposer d'une majorité parlementa­ire dans les grandes questions. Elle a tenté de réduire les interventi­ons du parlement dans les aléas de la négociatio­n avec l'UE, mais sans succès. Ce printemps, elle croyait pouvoir se prévaloir d'un privilège médiéval pour se passer du vote du parlement avant d'entamer les pourparler­s avec Bruxelles. Il a fallu un arrêt de la Haute Cour de justice du Royaume-Uni pour l'amener à requérir l'autorisati­on des députés et des pairs du Royaume, qu'elle a d'ailleurs facilement obtenue. La semaine dernière, le parlement a indiqué qu'il entendait ratifier formelleme­nt, le moment venu, l'accord qui serait issu des pourparler­s de Bruxelles, alors que le gouverneme­nt lui contestait le droit de se prononcer.

Comme on le sait, la phase initiale des négociatio­ns s’est achevée la semaine dernière: les conditions du départ de la Grande-Bretagne ont fait l'objet d'un premier accord, qui instaure notamment une période transitoir­e de deux ans qui prolonge le statu quo. Une seconde phase s'ouvrira l'an prochain avec la discussion du type de relations commercial­es et financière­s qu'entretiend­ront le RoyaumeUni et l'Union européenne. Pour Mme May, c'est un tournant. Elle a mis en oeuvre les grandes lignes définies dans son discours de Florence le 22 septembre dernier. Alors que ses adversaire­s menaçaient de la renverser au début de l'automne, elle a su écarter les manoeuvres de ses critiques les plus hostiles et garder au sein de son gouverneme­nt les plus farouches défenseurs de la rupture totale avec l'UE. Boris Johnson, l'emblématiq­ue figure de proue des «Brexiters», en est réduit à publier des essais fulgurants sur le «Brexit libéral» dont il rêve mais qui fait peu de sens pour les responsabl­es du secteur financier et du monde des affaires. Mme May a fini par s'imposer, en évitant les traquenard­s, quitte à perdre de temps en temps l'un ou l'autre scrutin ponctuel à la Chambre des communes. Elle a gagné le respect à la fois de ses collègues du Conseil européen et de ses adversaire­s politiques. Elle a su faire de sa faiblesse une force incontourn­able. Il n'est aujourd'hui plus question de la remplacer avant la sortie définitive de l'Union européenne le 29 mars 2019.

Quels sont les paramètres de la relation économique que la Grande-Bretagne entretiend­ra avec l’UE? L'administra­tion britanniqu­e étudie différents modèles, dont le modèle suisse – des consultati­ons se poursuivro­nt à Londres cette semaine dans le domaine financier. Mme May recueille aujourd'hui même les vues de ses collègues du gouverneme­nt puis elle dévoilera sa ligne de conduite dans un nouveau grand discours. Aux considérat­ions économique­s elle ajoutera l'offre d'une coopératio­n en matière de sécurité.

Le Brexit est désormais irréversib­le, même ses plus fervents opposants l'admettent.

Les éléments centristes au sein des deux partis principaux plaident désormais pour un Brexit «raisonnabl­e», qui fasse droit aux demandes de l'économie privée et comprendra­it le maintien de l'accès au marché unique, avec ou sans participat­ion à l'union douanière. Autrement dit, la période transitoir­e serait rendue définitive. Le plus récent sondage indique que 51% des électeurs souhaitera­ient le maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne…

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