Accord avec l’UE: un tournant pour Theresa May
Le gouvernement de Mme Theresa May est plus stable qu’il ne donne à croire. Affaiblie par le résultat des élections législatives anticipées qu'elle a provoquées le 8 juin dernier, elle a su naviguer depuis lors le long d'un étroit chenal entre partisans d'un Brexit dur, avocats d'un Brexit léger et opposants à la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE.
Les sondages lui étaient favorables et prévoyaient la déroute du Labour Party. En fait Mme May a été privée de la majorité absolue que son parti détenait dans l'ancien parlement. Jeremy Corbyn, leader du Parti travailliste a renouvelé son électorat, se posant en rival crédible de la première ministre.
Mme May a donc conclu une alliance électorale avec le parti DUP, des conservateurs irlandais radicaux, afin de disposer d'une majorité parlementaire dans les grandes questions. Elle a tenté de réduire les interventions du parlement dans les aléas de la négociation avec l'UE, mais sans succès. Ce printemps, elle croyait pouvoir se prévaloir d'un privilège médiéval pour se passer du vote du parlement avant d'entamer les pourparlers avec Bruxelles. Il a fallu un arrêt de la Haute Cour de justice du Royaume-Uni pour l'amener à requérir l'autorisation des députés et des pairs du Royaume, qu'elle a d'ailleurs facilement obtenue. La semaine dernière, le parlement a indiqué qu'il entendait ratifier formellement, le moment venu, l'accord qui serait issu des pourparlers de Bruxelles, alors que le gouvernement lui contestait le droit de se prononcer.
Comme on le sait, la phase initiale des négociations s’est achevée la semaine dernière: les conditions du départ de la Grande-Bretagne ont fait l'objet d'un premier accord, qui instaure notamment une période transitoire de deux ans qui prolonge le statu quo. Une seconde phase s'ouvrira l'an prochain avec la discussion du type de relations commerciales et financières qu'entretiendront le RoyaumeUni et l'Union européenne. Pour Mme May, c'est un tournant. Elle a mis en oeuvre les grandes lignes définies dans son discours de Florence le 22 septembre dernier. Alors que ses adversaires menaçaient de la renverser au début de l'automne, elle a su écarter les manoeuvres de ses critiques les plus hostiles et garder au sein de son gouvernement les plus farouches défenseurs de la rupture totale avec l'UE. Boris Johnson, l'emblématique figure de proue des «Brexiters», en est réduit à publier des essais fulgurants sur le «Brexit libéral» dont il rêve mais qui fait peu de sens pour les responsables du secteur financier et du monde des affaires. Mme May a fini par s'imposer, en évitant les traquenards, quitte à perdre de temps en temps l'un ou l'autre scrutin ponctuel à la Chambre des communes. Elle a gagné le respect à la fois de ses collègues du Conseil européen et de ses adversaires politiques. Elle a su faire de sa faiblesse une force incontournable. Il n'est aujourd'hui plus question de la remplacer avant la sortie définitive de l'Union européenne le 29 mars 2019.
Quels sont les paramètres de la relation économique que la Grande-Bretagne entretiendra avec l’UE? L'administration britannique étudie différents modèles, dont le modèle suisse – des consultations se poursuivront à Londres cette semaine dans le domaine financier. Mme May recueille aujourd'hui même les vues de ses collègues du gouvernement puis elle dévoilera sa ligne de conduite dans un nouveau grand discours. Aux considérations économiques elle ajoutera l'offre d'une coopération en matière de sécurité.
Le Brexit est désormais irréversible, même ses plus fervents opposants l'admettent.
Les éléments centristes au sein des deux partis principaux plaident désormais pour un Brexit «raisonnable», qui fasse droit aux demandes de l'économie privée et comprendrait le maintien de l'accès au marché unique, avec ou sans participation à l'union douanière. Autrement dit, la période transitoire serait rendue définitive. Le plus récent sondage indique que 51% des électeurs souhaiteraient le maintien de la Grande-Bretagne dans l'Union européenne…
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