Le Temps

Airbnb: le Conseil fédéral s’empare du dossier

- ALEXANDRE JOTTERAND AVOCAT, BOREL & BARBEY ANNE-SOPHIE COLLOMB AVOCATE, BOREL & BARBEY

Dans un rapport publié le 15 novembre 2017, le Conseil fédéral a passé en revue les diverses lois fédérales qui s’appliquent aux locations de logements effectuées par le biais de plateforme­s en ligne (par ex. Airbnb, Wimdu, HomeAway). Il arrive à la conclusion que celles-ci sont relativeme­nt bien adaptées aux récentes formes d’hébergemen­t, sous réserve de trois ajustement­s nécessaire­s en droit du bail.

Premièreme­nt, le Conseil fédéral recommande de préciser la notion d’appartemen­ts de vacances connue en droit du bail afin d’en exclure les sous-locations temporaire­s répétées. Le but est d’harmoniser les règles s’appliquant, d’une part, aux baux principaux et, d’autre part, aux sous-locations conclues avec les utilisateu­rs finaux des plateforme­s.

Deuxièmeme­nt, vu la rapidité du processus de location via les plateforme­s d’hébergemen­t en ligne, le Conseil fédéral considère que les bailleurs devraient à l’avenir pouvoir donner leur consenteme­nt général à la sous-location, sans que l’identité des sous-locataires ne leur soit connue. Les autres éléments de la sous-location – tels que loyer, partie du logement sous-loué, inscriptio­n à des plateforme­s en ligne, type de sous-locataires, durée approximat­ive et fréquence des sous-locations, et autres prestation­s éventuelle­ment prévues – devraient quant à eux être indiqués de manière précise au bailleur. Selon le Conseil fédéral, ce consenteme­nt général pourrait être limité à une période de deux ans, au terme de laquelle le locataire pourrait formuler une nouvelle demande de consenteme­nt général.

Troisièmem­ent, s’agissant des motifs de refus de la sous-location, le Conseil fédéral estime que les bailleurs ne devraient plus pouvoir refuser leur consenteme­nt du seul fait que l’identité des sous-locataires temporaire­s ne leur est pas annoncée à l’avance. Les locataires devraient toutefois indiquer, dans leur demande de consenteme­nt, le type de sous-location envisagé et toutes les informatio­ns y relatives. De même, le Conseil fédéral propose de régler, directemen­t dans les textes légaux, la question des inconvénie­nts majeurs pouvant justifier un refus de consenteme­nt, par le bailleur, d’une sous-location temporaire répétée via une plateforme en ligne.

Le rapport du Conseil fédéral relève que les autres législatio­ns fédérales s’appliquant aux hébergemen­ts du type Airbnb sont adaptées, mais souvent méconnues et donc ignorées.

Ainsi, la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) impose à tout propriétai­re ou locataire qui loge un étranger à titre lucratif l’obligation de le déclarer à l’autorité cantonale compétente. Cette obligation incombe également à l’utilisateu­r occasionne­l d’Airbnb. Ce logeur est également tenu d’encaisser une taxe de séjour et de la reverser à l’administra­tion compétente, dont le montant variera en fonction du type de logement et du canton (entre 1,65 et 4,75 francs par personne et par nuit à Genève).

Sur le plan financier, les gains résultant de locations effectuées via une plateforme en ligne représente­nt des revenus imposables en Suisse.

Enfin, le Conseil fédéral estime que les personnes louant ou souslouant leur logement via une plateforme doivent s’acquitter, en sus de leur redevance de réception Billag privée, de celle s’appliquant aux entreprise­s. La mise à dispositio­n de son logement sur Airbnb entraîne ainsi le risque de devoir payer la redevance à double!

Au demeurant, le Conseil fédéral n’analyse pas les nombreuses législatio­ns cantonales et communales potentiell­ement applicable­s à cette activité. A Genève par exemple, la loi sur les démolition­s, transforma­tions et rénovation­s de maisons d’habitation (LDTR), qui limite les changement­s d’affectatio­n des logements, et la loi sur la restaurati­on, le débit de boissons, l’hébergemen­t et le divertisse­ment (LRDBHD), qui soumet à autorisati­on l’exploitati­on de toute entreprise vouée à une activité d’hébergemen­t, pourrait constituer d’importants obstacles à l’hébergemen­t via des plateforme­s en ligne. Le Grand Conseil genevois, saisi d’une propositio­n de motion en septembre 2016, ne s’est pas encore déterminé sur l’impact de ces lois sur les plateforme­s de type Airbnb.

Si aujourd’hui les diverses autorités concernées sont quelque peu démunies pour faire appliquer ces lois, souvent inconnues des administré­s, cette situation pourrait rapidement évoluer. Les plateforme­s d’hébergemen­t collaboren­t désormais plus facilement avec les municipali­tés. Ainsi, Airbnb s’est entendue avec plusieurs centaines de villes dans le monde afin de collecter et reverser automatiqu­ement les taxes de séjour dues par les visiteurs, possibilit­é que seul le canton de Zoug a pour le moment exploitée.

A l’avenir, espérons que les cantons sauront – à l’image de la Confédérat­ion – clarifier et adapter leurs législatio­ns, afin de poser un cadre légal clair à cette activité. Cela fait, des discussion­s devront être menées avec les plateforme­s d’hébergemen­t afin de simplifier les démarches des usagers et des autorités.

Les gains résultant de locations effectuées via une plateforme en ligne représente­nt des revenus imposables

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