«Le Musée d’art et d’histoire a perdu tout crédit»
Par la voix d’Erica Deuber Ziegler, Patrimoine suisse Genève appelle à repenser en profondeur la mission de l’institution et à lancer au plus vite le concours d’architecture destiné à la rénovation du MAH
Une charge sous la neige. Dans l’arrière-salle d’un hôtel, l’historienne de l’art Erica Deuber Ziegler assène des conclusions fracassantes. Le Musée d’art et d’histoire (MAH), ce palais chaviré rue Charles-Galland, serait en pleine déliquescence. Il aurait perdu toute crédibilité dans le monde scientifique. Il serait urgent de préparer la succession de son actuel directeur, Jean-Yves Marin. Et il serait encore plus urgent de définir le cahier des charges du concours d’architecture destiné à rénover un bâtiment mité – diagnostic qui fait l’unanimité – et à l’étendre dans son périmètre naturel.
Pas de hache de guerre
Erica Deuber Ziegler n’est pas seule à dresser ce réquisitoire en cette fin de matinée. Autour d’elle, l’architecte Giorgio Bello et les historiennes de l’art Katharina Holderegger et Pauline Nerfin. Ce quatuor représente Patrimoine suisse Genève, l’un des principaux opposants au défunt projet d’extension du MAH porté par les bureaux Nouvel et Jucker. Le 28 février 2016, les électeurs de la Ville de Genève leur donnaient raison dans les urnes. L’agrandissement financé en partie par la Fondation Gandur pour l’art – 40 millions sur 132 – était rejeté. En juin, le ministre municipal de la Culture Sami Kanaan nommait un aréopage de sages, présidé par Jacques Hainard et Roger Mayou, chargé de plancher sur l’avenir du MAH.
Bonne méthode? Certes, mais les acteurs de Patrimoine suisse Genève entendaient aussi apporter leurs contributions au débat. Ils ont turbiné de leur côté, visité des musées dont l’extension leur paraît particulièrement réussie – le Musée Unterlinden à Colmar par exemple. Aujourd’hui, il s’agit pour eux d’accélérer le mouvement et de contester certaines propositions de l’équipe Jacques Hainard/Roger Mayou – qui doit rendre ses conclusions définitives en juin.
Ne cherchez pas la hache de guerre ici. Les ambassadeurs de Patrimoine suisse Genève reconnaissent que le rapport intermédiaire du groupe Hainard/Mayou va dans le bon sens. Ne recommande-t-il pas, comme eux, un agrandissement autour du bâtiment de Marc Camoletti, qui utiliserait les locaux occupés jusqu’il y a peu par la Haute Ecole d’art et de design et la butte de l’Observatoire?
Deux conceptions face à face
Le point de friction porte sur la Maison Tavel et l’historique Musée Rath qui seraient détachés du MAH. Absurde, explique le quatuor, parce que ces lieux seraient les seules branches saines – avec le Cabinet des estampes – du MAH.
L’enjeu de cette charge? Le projet muséographique. C’est la raison pour laquelle Patrimoine suisse Genève appelle à lancer au plus vite la procédure de recrutement d’une nouvelle direction qui serait pleinement impliquée dans la rénovation et l’extension du MAH; qui rétablirait le dialogue avec la sphère des collectionneurs genevois; qui en finirait avec la logique d’animation qui prévaut selon eux, ces fameux «afterworks» notamment qui attirent les foules, mais qui occultent des trésors.
«Le MAH n’est pas le MoMA, note Pauline Nerfin, mais on peut faire de grandes choses à Genève.» Sur ce point-là, tout le monde s’accordera.
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