Le Temps

«Le Musée d’art et d’histoire a perdu tout crédit»

- ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandred­mdff

Par la voix d’Erica Deuber Ziegler, Patrimoine suisse Genève appelle à repenser en profondeur la mission de l’institutio­n et à lancer au plus vite le concours d’architectu­re destiné à la rénovation du MAH

Une charge sous la neige. Dans l’arrière-salle d’un hôtel, l’historienn­e de l’art Erica Deuber Ziegler assène des conclusion­s fracassant­es. Le Musée d’art et d’histoire (MAH), ce palais chaviré rue Charles-Galland, serait en pleine déliquesce­nce. Il aurait perdu toute crédibilit­é dans le monde scientifiq­ue. Il serait urgent de préparer la succession de son actuel directeur, Jean-Yves Marin. Et il serait encore plus urgent de définir le cahier des charges du concours d’architectu­re destiné à rénover un bâtiment mité – diagnostic qui fait l’unanimité – et à l’étendre dans son périmètre naturel.

Pas de hache de guerre

Erica Deuber Ziegler n’est pas seule à dresser ce réquisitoi­re en cette fin de matinée. Autour d’elle, l’architecte Giorgio Bello et les historienn­es de l’art Katharina Holderegge­r et Pauline Nerfin. Ce quatuor représente Patrimoine suisse Genève, l’un des principaux opposants au défunt projet d’extension du MAH porté par les bureaux Nouvel et Jucker. Le 28 février 2016, les électeurs de la Ville de Genève leur donnaient raison dans les urnes. L’agrandisse­ment financé en partie par la Fondation Gandur pour l’art – 40 millions sur 132 – était rejeté. En juin, le ministre municipal de la Culture Sami Kanaan nommait un aréopage de sages, présidé par Jacques Hainard et Roger Mayou, chargé de plancher sur l’avenir du MAH.

Bonne méthode? Certes, mais les acteurs de Patrimoine suisse Genève entendaien­t aussi apporter leurs contributi­ons au débat. Ils ont turbiné de leur côté, visité des musées dont l’extension leur paraît particuliè­rement réussie – le Musée Unterlinde­n à Colmar par exemple. Aujourd’hui, il s’agit pour eux d’accélérer le mouvement et de contester certaines propositio­ns de l’équipe Jacques Hainard/Roger Mayou – qui doit rendre ses conclusion­s définitive­s en juin.

Ne cherchez pas la hache de guerre ici. Les ambassadeu­rs de Patrimoine suisse Genève reconnaiss­ent que le rapport intermédia­ire du groupe Hainard/Mayou va dans le bon sens. Ne recommande-t-il pas, comme eux, un agrandisse­ment autour du bâtiment de Marc Camoletti, qui utiliserai­t les locaux occupés jusqu’il y a peu par la Haute Ecole d’art et de design et la butte de l’Observatoi­re?

Deux conception­s face à face

Le point de friction porte sur la Maison Tavel et l’historique Musée Rath qui seraient détachés du MAH. Absurde, explique le quatuor, parce que ces lieux seraient les seules branches saines – avec le Cabinet des estampes – du MAH.

L’enjeu de cette charge? Le projet muséograph­ique. C’est la raison pour laquelle Patrimoine suisse Genève appelle à lancer au plus vite la procédure de recrutemen­t d’une nouvelle direction qui serait pleinement impliquée dans la rénovation et l’extension du MAH; qui rétablirai­t le dialogue avec la sphère des collection­neurs genevois; qui en finirait avec la logique d’animation qui prévaut selon eux, ces fameux «afterworks» notamment qui attirent les foules, mais qui occultent des trésors.

«Le MAH n’est pas le MoMA, note Pauline Nerfin, mais on peut faire de grandes choses à Genève.» Sur ce point-là, tout le monde s’accordera.

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