Pour un financement climatique cohérent et équitable
Après les résultats peu enthousiasmants de la COP23 à Bonn et la tenue d'un sommet de haut niveau à Paris en décembre, la question du financement de la lutte contre le changement climatique émerge comme l'une des questions les plus épineuses pour la suite des négociations. La Suisse doit faire plus si elle entend remplir ses engagements et se positionner comme un acteur exemplaire à cet égard.
L'Accord de Paris réaffirme l'engagement des pays développés à mobiliser 100 milliards de dollars par an, d'ici à 2020, pour aider les pays en développement à financer leurs mesures de réduction des émissions et d'adaptation au changement climatique. Ces flux financiers peuvent provenir de sources publiques ou privées, et transiter par l'intermédiaire de fonds bilatéraux ou multilatéraux. Jusqu'à aujourd'hui, aucun consensus n'a toutefois été trouvé sur la définition précise de ce «financement climatique». L'une des questions les plus controversées est notamment de savoir dans quelle mesure les Etats peuvent puiser dans leurs budgets dédiés à l'aide au développement pour honorer leur promesse.
Selon les textes faisant foi, ces ressources financières doivent être «nouvelles» et «supplémentaires». Cela peut être interprété de manière restrictive, auquel cas une simple redirection des budgets existants d'aide au développement vers des projets de protection du climat pourrait faire l'affaire. Une autre interprétation plus généreuse consiste à dire que de nouveaux budgets doivent être débloqués pour le financement climatique, en plus des budgets d'aide au développement existants. Bien qu'il existe d'importantes synergies entre ces deux types de politique d'assistance, la pertinence de la seconde interprétation devient claire lorsque l'on comprend que les deux approches reposent sur des fondements radicalement différents: la responsabilité d'une part et la solidarité de l'autre.
Dans un rapport adopté en juin 2017, le Conseil fédéral estime que la juste contribution de la Suisse à l'objectif des 100 milliards se situe entre 450 et 600 millions de francs par an. Ces chiffres sont établis sur la base de deux critères: la capacité économique de la Suisse par rapport aux autres pays de l'OCDE et le principe du pollueur-payeur, exprimé par sa contribution aux émissions des pays développés. D'autre part, le Conseil fédéral prévoit de financer la part publique de la contribution suisse en puisant dans les crédits-cadres déjà existants de la coopération internationale.
Cette position est incohérente. Le principe du pollueur-payeur est un principe important du droit international de l'environnement fondé sur l'idée de responsabilité. Inscrit dans la Constitution suisse, il affirme que les frais de prévention et de réparation d'un dommage sont à la charge de ceux qui le causent. Selon le message du Conseil fédéral sur la coopération internationale, l'aide au développement est en revanche fondée sur l'idée de solidarité et son financement est indépendant de toute responsabilité de la Suisse dans la situation des pays les plus défavorisés. Utiliser des fonds déjà promis au nom de la solidarité (la Suisse s'est engagée en 2011 à attribuer 0,5% de son PIB à la coopération internationale) pour remplir nos devoirs de responsabilité dans le domaine du climat est donc non seulement incohérent, mais aussi profondément inéquitable à l'égard des pays en développement. Imaginez promettre de l'aide à un ami en situation difficile. Une semaine plus tard vous cassez par inadvertance un phare de sa voiture. Payer la réparation du phare est votre responsabilité, mais prétendre qu'il s'agit là de l'aide que vous lui aviez promise serait particulièrement inique.
La part publique des fonds engagés par la Suisse dans le financement climatique international devrait donc, au moins en partie, faire l'objet d'un budget séparé des crédits-cadres existants de l'aide au développement, ou refléter une augmentation de ceux-ci au-delà de l'objectif du 0,5% du PIB. Une politique climatique cohérente et équitable a une portée politique qui dépasse sa simple valeur pécuniaire. Elle est une preuve de bonne volonté aux yeux des pays en développement et contribuerait sans aucun doute à mettre de l'huile dans les rouages de négociations qui semblent aujourd'hui en perte de vitesse.
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Dans un rapport adopté en juin 2017, le Conseil fédéral estime que la juste contribution de la Suisse à l’objectif des 100 milliards se situe entre 450 et 600 millions de francs par an