Bonne année (économique) 2018!
Sauf énorme surprise, 2018 devra être une bonne année économique, en Suisse et un peu partout ailleurs dans le monde, avec une continuation de la croissance et un chômage stable ou déclinant. Il suffit parfois de regarder le temps qu'il fait pour avoir une bonne idée du temps qu'il fera. C'est le cas cette année, mais il n'empêche que bien des gens s'inquiétent.
Après la grande crise financière, la croissance économique est revenue aux Etats-Unis dès la fin de 2009. Huit ans plus tard, s'installe la crainte que ça ne peut plus durer. Et pourquoi pas? Cette phase de croissance n'est pas d'une longueur inhabituelle, la précédente a duré quinze ans et elle a été beaucoup plus vigoureuse. Bien sûr, elle s'est très mal terminée, par une crise d'une violence rare, ceci expliquant cela. Mais rien ne dit que ça va recommencer. La durée des cycles économiques n'a aucune régularité connue. De plus, il faut tenir compte de la réforme fiscale, le premier grand succès politique de Trump. Depuis trente ans, les Républicains avaient la nostalgie des cadeaux faits par le président Reagan aux riches et aux entreprises, les grandes surtout. Trump recommence, et les mêmes causes devraient avoir les mêmes effets. Les inégalités vont s'accroître et la dette publique va atteindre de nouveaux sommets, mais les baisses d'impôts vont doper la croissance pendant deux ou trois ans au moins.
En Europe, la croissance n’est vraiment repartie qu’en 2013, elle est donc «jeune» pour ceux qui se préoccupent d’un éventuel épuisement. Surtout, elle est désormais généralisée, couvrant tous les pays – même la Grèce! – et tous les secteurs d'activité. Seule la Grande-Bretagne donne des signes de ralentissement mais c'est un avant-goût du Brexit à venir (après tout, on ne peut pas courir bien vite quand on se tire une balle dans le pied) qui heurtera aussi l'Europe, mais beaucoup, beaucoup moins. Pour le reste du monde, l'Asie dépend de la Chine, et la Chine continue, et continuera à défier les Cassandres qui annoncent depuis quelques années un effondrement économique et financier. Une fois la croissance assurée en Asie, en Europe et aux Etats-Unis, l'affaire est emballée.
Et les bulles spéculatives? Les cours boursiers atteignent des records, l’immobilier aussi, même en Allemagne d’habitude si modérée. Les marchés financiers sont dopés par un endettement privé hors norme et par des politiques monétaires extraordinairement expansives, avec des taux d'intérêt bas, voire négatifs. L'affermissement de la croissance va provoquer une normalisation de cette politique, c'est déjà parti aux Etats-Unis. Les marchés financiers le savent et s'y préparent depuis longtemps. Cela ne signifie pas que tout se passera sans à-coups, mais une chute prévue le plus tôt possible devrait être amortie. L'histoire ne se répète pas toujours.
Cela dit, pour ceux qui ne veulent pas se laisser entraîner dans une satisfaction béate, on peut dire quels sont les soucis à se faire. C'est durant les périodes de croissance calme que se préparent les crises. Les financiers prennent des risques dont ils ne sont pas toujours vraiment conscients. Les banques prêtent sans trop s'inquiéter. Les entreprises baissent la garde et s'achètent les unes les autres à des prix exagérés. Les gouvernements oublient qu'il y a des problèmes à traiter. En principe, tout le monde le sait et devrait en tenir compte. Dans la finance, échaudée par la crise, le sujet est débattu quotidiennement, ce qui ne veut pas dire que les prises de risques sont toujours limitées. Les entreprises ont retrouvé le grand jeu des OPA un moment délaissé et ne semblent pas vouloir s'arrêter avant d'en avoir épuisé le plaisir. Quant aux gouvernements, occupés qu'ils sont à s'attribuer les mérites de la croissance retrouvée, rares sont ceux qui envisagent de troubler la fête. Seuls ceux fraîchement élus, comme Trump ou Macron, s'agitent, pour le meilleur ou pour le pire.
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