La Suisse dans tous ses poncifs
FRANCE Dans un discours enflammé, le leader de la France insoumise a brossé un portrait passéiste et erroné de la Suisse. De quoi irriter les internautes
«Centre international de blanchiment», «zone de non-droit» à la «moralité douteuse», «quatrième pire paradis fiscal au monde»: JeanLuc Mélenchon n’a pas épargné la Suisse dans un discours prononcé lundi à l’Assemblée nationale française en marge d’un débat relatif à la fiscalité de l’aéroport Bâle-Mulhouse. Bien loin des montres et des chocolats, les clichés qu’il convoque pour dresser une caricature passéiste du pays suscitent l’ire des internautes.
«La relation fiscale avec la Suisse doit changer», martèle le leader de la France insoumise, estimant son pays «victime» d’une Suisse avare et âpre en matière de négociations. Avec «bonhomie, tranquillité et patience», la France a, selon lui, le «devoir de demander des comptes» pour faire évoluer une «situation intolérable et insupportable».
Dans la bouche de Jean-Luc Mélenchon, les ports francs genevois deviennent des «cavernes d’Ali Baba», les dirigeants suisses des «gens moralement suspects», Jean Ziegler, un «député socialiste». Quant à l’immense majorité des fonds déposés à Genève, ils proviennent de «l’argent du sang»: fraude fiscale, mafia, trafic de drogues et d’êtres humains. Un peu plus et l’on croirait le secret bancaire ressuscité. Autant de «vieilles rengaines», de «poncifs qui sentent le soufre» pour le blogueur Grégoire Barbey, qui signe un billet acéré contre le député d’extrême gauche.
Prononcé devant une tribune quasiment vide, le discours a eu davantage de retentissement sur Twitter. «En étalant son ignorance, Jean-Luc #Mélenchon s’étonne que les autres pays pratiquent leur propre droit et taxe de paradis tous ceux qui diffèrent de l’enfer fiscal français…» tacle le PLR @VincentArlettaz. «Donc @jlmelenchon fait la morale à la Suisse, mais n’est pas capable de justifier son propre patrimoine», renchérit @PatrickChareyre.
Jalousie, ignorance ou dogmatisme? Les internautes peinent à comprendre les motivations profondes du tribun de la gauche. «Ne serait-il pas temps de trouver un autre argument que celui du paradis fiscal pour justifier le gouffre social et économique qui sépare la France de ce pays?», questionne @ Tristanalb15.
L’homme garde toutefois des soutiens. A l’instar de @raphaelcelis: «Mélenchon est un homme excep- tionnel, tant sur le plan humain que sur le plan de ses compétences. Qu’il sache qu’ici en Suisse, il a le soutien moral d’un grand nombre, surtout quand il est la cible de ces calomnies ordurières dont on l’accable.» Contre toute attente, l’humoriste vaudois Thomas Wiesel se montre lui aussi critique envers sa patrie: «Jean-Luc Mélenchon a attendu que j’aie terminé toutes mes chroniques de l’année pour s’attaquer à la Suisse pépère sans que je puisse lui répondre… que je suis d’accord avec lui.»
Jean-Luc Mélenchon n’est pas réputé pour son ton mesuré, ni pour sa finesse. Il n’empêche, les stéréotypes qu’il emploie à la louche sont au mieux approximatifs, au pire faux, mais surtout tellement élimés. En 2012 déjà, il déclarait lors d’un meeting à Lille: «Je suis désolé de voir que [le gouvernement suisse] ne comprend pas que tout cela a une limite. Les Suisses eux-mêmes finiront par pâtir d’un monde désorganisé dans lequel circule de l’argent sale et où des exilés, qui sont en vérité des déserteurs fiscaux, peuvent penser trouver refuge… La Suisse n’est pas une île. Elle ne peut vivre de filouterie pendant que le monde se débat dans la crise. J’espère aussi qu’en Suisse on trouve que la morale doit être supérieure à la cupidité.» Ne se renouvelle pas qui veut.
▅