Le Temps

Face à l’UE, la séance de musculatio­n du Conseil fédéral

- LISE BAILAT @LiseBailat

On m’attaque, je contre-attaque. En menaçant l’Union européenne de mesures de rétorsion, jugeant la bourse suisse discriminé­e par Bruxelles, le Conseil fédéral acte un changement de stratégie dans sa politique européenne. Sous l’ère Didier Burkhalter, il s’agissait de se faire respecter mais de ne pas bomber le torse ni de provoquer, méthodes jugées vaines pour obtenir des résultats visà-vis du voisin européen.

Aujourd’hui, la tactique d’un Conseil fédéral à claire majorité de droite et plus euromodéré change. Le gouverneme­nt a ainsi répondu jeudi du tac au tac et de manière sèche à la décision de la Commission européenne de limiter à un an l’équivalenc­e boursière accordée à la Suisse.

Sur le plan intérieur, le collège n’a pas vraiment le choix. Cette capacité à «se défendre» répond à une attente claire de l’opinion publique, tandis que les partis, du centre à la droite de l’échiquier politique, n’hésitent pas désormais à emprunter un vocabulair­e belligéran­t pour parler des relations bilatérale­s avec l’Union européenne. Mais cette communicat­ion vise aussi à montrer aux Suisses que leur gouverneme­nt reste garant de l’indépendan­ce du pays et de la défense de ses intérêts. Si l’UE – sa Commission et ses Etats membres – ne l’a pas encore compris, un scrutin fort sensible se déroulera sans doute fin 2018 en Suisse sur l’initiative populaire d’autodéterm­ination de l’UDC, qui vise les «juges étrangers». Cette initiative fait peser une hypothèque sur la conclusion d’un accord institutio­nnel entre Berne et Bruxelles. Or l’attitude de la Commission européenne en ce mois de décembre met du vent dans les voiles de l’UDC. Le Conseil fédéral ne pouvait rester les bras croisés.

Voilà pour la forme. Mais sur le fond, la riposte musclée du gouverneme­nt s’apparente davantage à un concours de body-building qu’à un combat de boxe. Le Conseil fédéral envisage la suppressio­n du droit de timbre pour renforcer l’économie. Cette mesure répond certes à une vieille revendicat­ion des partis bourgeois, mais elle ne suffira pas à rendre la place financière zurichoise plus performant­e que celle de Francfort.

Et concernant le milliard de cohésion en faveur des pays de l’Est, le Conseil fédéral ne parle pas aujourd’hui de renoncer à le verser mais de revoir son projet. Aveu de faiblesse: il n’a guère d’autres leviers à actionner pour faire mal à Bruxelles. L’accord sur le transit terrestre n’est pas une option de négociatio­n dans la mesure où la marge de manoeuvre est infime. Et chicaner les frontalier­s reviendrai­t à léser des entreprise­s helvétique­s. Si un certain angélisme suisse cède la place aujourd’hui à davantage de pugnacité politique dans les mots, le gouverneme­nt sait aussi que l’intérêt du pays exige une désescalad­e et une dépolitisa­tion des dossiers empoisonné­s.

Le Conseil fédéral ne pouvait rester les bras croisés

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