Le Temps

«Neuchâtel ne sortira pas renforcé d’un tel processus»

- PROPOS RECUEILLIS PAR DOREEN ENSSLE @DoreenEnss­le

Le canton de Neuchâtel se retrouve sans budget. Face à cette situation inédite, le Conseil d’Etat cherche à éviter qu’une crise institutio­nnelle et sociale ne s’ajoute à la crise financière. Explicatio­ns de Laurent Kurth, ministre des Finances

La menace qui planait est devenue réalité dans la nuit de mardi à mercredi au Grand Conseil neuchâtelo­is. Après de longues heures de débats, le budget déficitair­e de 50 millions de francs n'a pas réuni la majorité qualifiée nécessaire. Les groupes PLR, UDC, vert'libéral l'ont majoritair­ement refusé.

Avant le vote, le conseiller d'Etat Laurent Kurth, chargé des Finances, avait vainement averti le plénum: «Sans budget, nous ajouterion­s une crise institutio­nnelle et sociale à une crise financière déjà existante.»

A la suite de ce refus, le Conseil d’Etat va-t-il soumettre un nouveau budget? Non, nous ne représente­rons pas de budget au début de l'année 2018. Il y a trois mois, nous avions soumis la copie du Conseil d'Etat à la Commission des finances. Ce laps de temps n'aura pas suffi aux parlementa­ires pour se mettre d'accord. Une nouvelle propositio­n n'aurait pas de chance de faire mieux. Néanmoins, le Grand Conseil a encore la possibilit­é de rendre une nouvelle décision.

On entre dans l’année 2018 sans budget. Comment l’Etat agira-t-il sans cadre financier? Le Conseil d'Etat a défini mercredi le cadre dans lequel il pourra mener son action pour les trois prochains mois. L'Etat n'engagera que les dépenses absolument nécessaire­s. Il ne soutiendra pas de nouveaux projets et ne recrutera pas de nouveaux collaborat­eurs. Les organisati­ons subvention­nées, ainsi que les communes, devront aussi participer aux efforts. Les domaines qui risquent d'être le plus touchés sont ceux qui sont financés par projet, comme dans la culture. En trois mois, nous aurons le temps d'évaluer et de réajuster ces mesures si nécessaire.

Ce refus est-il un nouveau désaveu du Conseil d’Etat? Non, c'est l'expression d'une frustratio­n et d'une impatience au sein du parlement, plutôt que la marque d'un réel désaveu. Même le PLR – qui a refusé de voter un budget dérogeant au frein à l'endettemen­t – a réitéré sa confiance dans le gouverneme­nt. N'oublions pas que les exercices 2016 et 2017 ont été difficiles, et qu'alors, le budget avait déjà été accepté de justesse. Cela ne nous plonge pas moins dans une situation grave: le parlement, principale autorité du canton, a décidé de démissionn­er de sa tâche. Pour le Conseil d'Etat, l'exigence est aussi forte. Il devra jouer un double rôle: agir en appliquant son programme tout en résolvant le conflit budgétaire.

Cela met-il en péril des projets d’envergure du canton? En effet, Neuchâtel ne sortira pas renforcé d'un tel processus. Pourquoi nos interlocut­eurs, notamment écono-

MINISTRE DES FINANCES NEUCHÂTELO­IS «L’absence du budget nous plonge dans une situation grave»

miques, continuera­ient-ils de nous faire confiance, alors que notre parlement ne nous suit pas? Néanmoins, nous souhaitons montrer que le Conseil d'Etat a encore des moyens d'action importants. Nous mettrons tout en oeuvre pour que ce refus de budget ne péjore pas des projets d'envergure, comme la ligne directe entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds [le Conseil fédéral doit transmettr­e sa demande de crédits ferroviair­es au parlement en 2018]. Sinon, quinze ans de travaux partiraien­t à la poubelle!

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LAURENT KURTH

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