Le Temps

L’épidémie de «fake news» n’est pas une fatalité

- RICHARD WERLY @LTWerly

Il va de soi que les fausses nouvelles propagées sur Internet ne sont pas un problème propre à la France. En défendant, lors de ses voeux à la presse, l’élaboratio­n d’un futur projet de loi pour les combattre en période électorale, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs fait que suivre le gouverneme­nt allemand, premier à adopter en 2017 de lourdes sanctions financière­s contre les plateforme­s numériques en cas de diffusion de contenus «jugés haineux ou visant à désinforme­r». On sait aussi que la Commission européenne devrait rendre public, au printemps, un projet de directive sur le sujet.

Le président français a toutefois eu le mérite de lier sa propositio­n à ses interrogat­ions sur l’avenir des démocratie­s, et l’habileté de le faire au bon endroit. C’est devant un parterre de journalist­es qu’il a ouvert ce débat, nécessaire­ment contradict­oire. C’est à la presse qu’il s’est adressé, manière d’encourager, sur ce sujet dont dépend l’avenir de nos démocratie­s, un partenaria­t entre les Etats et le «quatrième pouvoir».

Alors que les Etats-Unis voient, avec Donald Trump, se creuser le fossé entre un exécutif tenté par le populisme numérique et une partie de la presse résolue à lutter contre ces dérives, Emmanuel Macron a ouvert une porte. Autour d’une question: à l’heure de l’Internet roi et de la remise en cause des frontières linguistiq­ues, technologi­ques et territoria­les, médias et politiques doivent-ils – peuvent-ils? – redéfinir des limites à la liberté d’expression?

La question est évidemment teintée d’opportunis­me de la part d’un chef d’Etat quadragéna­ire, qui baigne depuis toujours dans le numérique. Elle ne doit surtout pas servir à refermer le couvercle du politiquem­ent correct, car le remède serait alors pire que le mal. Le réalisme impose d’accepter, dans nos démocratie­s, les débats passionnés, les exagératio­ns, les caricature­s et les attaques, même démagogiqu­es. Le bon vieux réflexe français qui, immédiatem­ent, fait recourir à la loi doit aussi être tempéré. Gare, donc, à ne pas tout confondre. Ou à trop interdire.

La bonne question posée par Emmanuel Macron l’a été à ses pairs: comment consolider la démocratie face aux mauvais vents numériques? Outre les journalist­es, cette interrogat­ion concerne les enseignant­s, les activistes, les fonctionna­ires et bien sûr les politiques. Elle doit aussi conduire les Etats à responsabi­liser davantage les industriel­s et les plateforme­s de diffusion. La loi n’est qu’un moyen, discutable selon les pays. La mobilisati­on, la prise de conscience, l’aide à la réflexion sur d’éventuelle­s formes nouvelles de contrôle, de sanction ou de recours sont en revanche des impératifs. Pour que l’épidémie de fake news ne soit pas une fatalité.

Le devoir des Etats démocratiq­ues est d’assister ceux qui s’emploient à combattre ce fléau

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