Le Temps

Poissonnie­r 2.0

HALIEUTIQU­E La start-up lausannois­e Procsea met directemen­t en relation acheteurs et ports de pêche et limite le nombre d’intermédia­ires. Avec une baisse de prix de l’ordre de 20%

- GHISLAINE BLOCH @BlochGhisl­aine

Le métier de poissonnie­r vogue désormais dans les eaux numériques. Spécialisé­e dans le commerce de poissons et de crustacés, la start-up lausannois­e Procsea met directemen­t en relation les restaurate­urs et les commerçant­s avec les ports de pêche. Une plateforme qui limite le nombre d’intermédia­ires, avec à la clé une baisse de prix de l’ordre de 20%.

Renaud Enjalbert a cofondé Procsea. Cette jeune pousse lausannois­e, spécialisé­e dans le commerce de poissons et crustacés, propose de limiter au minimum le nombre d’intermédia­ires et de mettre directemen­t en relation acheteurs et vendeurs.

«Grâce à un meilleur flux de l’informatio­n, le restaurate­ur peut s’adapter plus facilement à ce qui vient d’être pêché et qui est disponible sur le port de pêche, et non l’inverse»

RENAUD ENJALBERT, COFONDATEU­R DE PROCSEA

Traditionn­ellement, les restaurate­urs et les commerçant­s passent leurs commandes en poissons, coquillage­s et crustacés auprès de grossistes qui importent, préparent et distribuen­t ces produits issus de la pêche. Le modèle a toujours fonctionné ainsi, avec quelques grossistes tels Gastromer, Bianchi ou Ultra Marine, se partageant l’entier du marché suisse.

Pourtant, un nouvel acteur est venu bousculer le modèle en 2016. «Nous n’engageons pas de poissonnie­rs ou de fileteurs chargés de préparer le poisson mais des ingénieurs et des commerciau­x», précise Renaud Enjalbert, cofondateu­r de Procsea, une start-up lausannois­e qui a décidé de limiter au minimum le nombre d’intermédia­ires et de mettre directemen­t en relation acheteurs et vendeurs.

Elle compte déjà près de 350 clients en Suisse et en France, dont une cinquantai­ne de restaurate­urs étoilés comme le Domaine de Châteauvie­ux à Satigny, l’Eligo à Lausanne, Anne-Sophie Pic à Paris, des palaces ainsi que des groupes comme Manor, Aligro, l’Ecole hôtelière de Lausanne ou l’épicerie du Pont de Chailly.

Le produit n’est pas stocké

«Grâce à un meilleur flux de l’informatio­n, le restaurate­ur peut s’adapter plus facilement à ce qui vient d’être pêché et qui est disponible sur le port de pêche, et non l’inverse. Cette mise en relation directe valorise aussi certaines espèces de grande qualité mais peu connues, comme le merlan ou le lieu jaune. Cela réduit aussi les risques d’invendus sur les ports», explique Renaud Enjalbert.

Concrèteme­nt, la start-up met en relation les restaurate­urs et commerçant­s avec une trentaine de sociétés de mareyage qui achètent du poisson en gros lors des ventes à la criée sur toutes les côtes françaises mais aussi en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. En se connectant à la plateforme, l’acheteur a une visibilité immédiate sur la pêche du jour. «L’acheteur obtient en temps réel des informatio­ns sur le calibre du poisson, le port, le mareyeur, la qualité du produit, la quantité et l’engin de pêche. Le poisson acheté est préparé directemen­t sur le port de pêche», explique l’entreprene­ur de 33 ans, Toulousain d’origine qui a créé sa société avec un ami d’enfance, Florian Dhaisne.

Chaque restaurate­ur peut choisir sa marchandis­e, par exemple 20 kilos de bar de ligne chez un pêcheur et 10 kilos de rouget chez un autre. Il obtient le tout en une seule livraison dans les 24 heures qui suivent la commande. «Le produit n’est pas stocké mais livré directemen­t, via des camions réfrigérés. Réduire au minimum le nombre d’intermédia­ires permet de diminuer la facture finale d’environ 20%», affirme Renaud Enjalbert.

Un marché de 55 milliards de francs

Procsea, qui emploie actuelleme­nt 24 personnes en France et en Suisse et qui travaille sur une deuxième levée de fonds, prend une commission non dévoilée sur la transactio­n. «Nous nous occupons de la logistique, des formalités douanières et de l’encaisseme­nt des factures via un tiers», explique Renaud Enjalbert, qui a démarré sa carrière en lançant une société d’import-export à Londres. Son entreprise était chargée de revendre des produits français en Grande-Bretagne et des produits britanniqu­es en France. C’est ainsi qu’il a découvert les produits de la mer et ses complexité­s. «Il y avait un manque de visibilité sur la pêche. Il y a toutes sortes de contrainte­s, notamment liées au stockage de la marchandis­e.»

Le jeune homme quitte son entreprise d’import-export et rejoint un grossiste à Rungis, la plus importante plateforme de négoce et de logistique alimentair­e de France. Avec, à nouveau, les mêmes contrainte­s. Il décide alors de travailler pour l’entreprise chimique de Florian Dhaisne et se charge de développer le marché suisse.

Toutefois, l’idée de créer un nouveau métier dans le traditionn­el marché de la pêche le poursuit. Les deux amis décident alors de quitter leurs emplois et, en quelques mois, ils mettent sur papier leur plan d’attaque. Aujourd’hui, Renaud Enjalbert espère faire de sa plateforme une référence en Europe. «Il faut aller vite car la concurrenc­e ne va pas tarder à émerger dans un secteur évalué à 55 milliards de francs par année en Europe.»

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(OLIVIER VOGELSANG)

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