Le Temps

La gauche veut séduire locataires et fonctionna­ires

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Avec 11 000 signatures, l’initiative populaire qui veut renflouer la caisse de pension de l’Etat de Genève tout en créant du logement a abouti. La droite s’y oppose, le ministre Antonio Hodgers y voit une solution complément­aire à celle du Conseil d’Etat

C’est une propositio­n qui devrait plaire aux fonctionna­ires genevois comme aux locataires que celle concoctée par l’associatio­n de défense des locataires Asloca et le Cartel intersyndi­cal de la fonction publique. Ils déposaient jeudi à Genève leur initiative populaire «Sauvegarde­r les rentes en créant du logement», munie de 11000 signatures et soutenue par le PS, les Verts, Ensemble à gauche et le MCG.

L’idée est la suivante: il s’agirait de transférer des terrains du projet immobilier pharaoniqu­e Praille-Acacias-Vernets (PAV), propriétés de l’Etat, à la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (CPEG), afin qu’elle y construise du locatif à prix abordable. Les initiants auraient ainsi trouvé la martingale: assurer les rentes tout en résolvant la crise du logement. Lier les destins de la caisse et du PAV est politiquem­ent malin. Car Genève est tout à la fois dans la nécessité légale de recapitali­ser sa caisse de pension à hauteur de 4,5 milliards de francs et en proie à une pénurie d’habitation­s.

«Puisque le Conseil d’Etat veut recapitali­ser la caisse, c’est l’occasion de prendre cette manne dévolue aux spéculateu­rs privés et de l’affecter au logement plutôt qu’à la bourse», explique Alberto Velasco, président de l’Asloca. Pour le Cartel, cette initiative est tout bénéfice, puisqu’elle ne réclame aucun effort des fonctionna­ires, qui voient conservé le système de la primauté des prestation­s, plus favorable aux assurés que celui de la primauté des cotisation­s.

«Avec ce projet, on concilie les intérêts des fonctionna­ires et ceux des locataires de manière efficace», résume Christian Dandrès, député socialiste au Grand Conseil et avocat à l’Asloca. L’initiative servirait aussi les intérêts des contribuab­les, en ce que la capitalisa­tion par des terrains constructi­bles coûterait moins cher que le versement d’intérêts passifs, envisagé par le projet de loi de l’exécutif, qui prévoit un prêt simultané de la caisse à l’Etat après injection des 4,5 milliards.

Cette initiative n’est évidemment pas du goût du PLR. Son président et candidat au Conseil d’Etat Alexandre de Senarclens invoque trois raisons de s’y opposer: «Primo, elle va alimenter une baignoire qui fuit, car on ne change pas le système.» Pour la droite, la primauté des cotisation­s est en effet une ligne rouge.

Secundo, il serait dangereux de miser sur le PAV, beau projet, certes, mais dont la réalisatio­n n’est pas pour demain: «On transférer­ait des actifs qui ne rapportera­ient rien avant longtemps, estime Alexandre de Senarclens. Une caisse de pension n’a que faire de ce qu’on lui donne, l’important est que cela rapporte. L’Etat devra donc continuer à la renflouer tant que les actifs du PAV ne rendront rien.» Tertio, en enlevant à la caisse de pension une partie de sa liberté, le PLR craint «une mauvaise gestion qui découlerai­t du mélange des genres, à savoir créer du rendement tout en faisant du social».

Habile manoeuvre

Cette initiative constitue une habile manoeuvre, dans un contexte où un autre projet de loi de la gauche s’offre au parlement comme compromis à celui du Conseil d’Etat. Aussi, si ce projet devait passer la rampe, l’initiative pourrait être retirée. Mais, pour le conseiller d’Etat vert Antonio Hodgers, elle serait plutôt complément­aire au projet de l’exécutif: «Elle reprend notre idée du prêt simultané, tant que les droits à bâtir ne seront pas matérialis­és. Nous sommes donc d’accord sur le gros morceau.»

Sur la cession des droits à bâtir du PAV, le ministre y voit un intérêt, «pour autant qu’on n’en cède qu’une partie. Car nous ne voulons pas un quartier CPEG, mais une diversité des acteurs de la constructi­on.» Il prévient cependant: «Cette solution n’aurait pas un effet magique, car les aléas de l’aménagemen­t du territoire ne lui permettron­t pas de répondre dans les délais légaux.»

Quant à maintenir la primauté des prestation­s et à figer les prestation­s de prévoyance au premier janvier 2018, comme le prévoit l’initiative, «nous ne pouvons être d’accord, car tout le monde doit faire un effort. Cela dit, l’effet est avant tout déclaratoi­re, puisque, dans les faits, la caisse peut déjà, comme l’an dernier, baisser les prestation­s si la capitalisa­tion n’est pas assurée.» Un compromis pourrait peut-être se dessiner.

 ?? (GAETAN BALLY/ KEYSTONE) ?? Le secteur Praille-AcaciasVer­nets. L’initiative de la gauche propose d’y transférer des terrains, propriétés de l’Etat, à la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève pour qu’elle y bâtisse des logements à prix abordable.
(GAETAN BALLY/ KEYSTONE) Le secteur Praille-AcaciasVer­nets. L’initiative de la gauche propose d’y transférer des terrains, propriétés de l’Etat, à la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève pour qu’elle y bâtisse des logements à prix abordable.

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